Histoire d'une infirmière

Interview par Liam Scheff

Jacklyn Herger est une infirmière pédiatrique spécialisée dans le SIDA, qui a travaillé à l'ICC au début des années 1990. En 1996, elle a mis en route un processus d'adoption de deux enfants séropositifs pour le VIH hospitalisés à l'ICC par le biais du Catholic Home Bureau. En 1998, les deux petites filles, Elaine, 6 ans, et Liz, 4 ans, sont venues vivre avec Jacklyn Herger, son mari, et leur fille de 5 ans. En tant qu'infirmière chevronnée, Jacklyn Herger a donné scrupuleusement leurs médicaments aux enfants. A sa grande surprise, c'est seulement lorsqu'elle a cessé de les leur donner qu' elles ont commencé à mieux se porter.

Liam Scheff: Comment étaient les filles lorsqu'elles sont venues vivre avec vous ?

Jacklyn Herger: Elles souffraient de troubles psychologiques considérables liés au fait d' avoir grandi dans des institutions médicales. Elles avaient toutes les deux un retard de développement, mais qui se manifestait de façon différente chez les deux filles. Liz pouvait à peine se déplacer. Elle ne pouvait pas parler, ni jouer, ni même marcher. Tout ce qu'elle faisait était passer son temps à manger. Elle était obèse. Elle recevait des médicaments contre le SIDA depuis sa naissance. Elle a commencé à prendre de l'AZT et de la névirapine peu de temps après son arrivée chez nous. Les os de ses hanches étaient gravement endommagés à cause des médicaments ; elle avait dû subir une chirurgie pour allonger les tendons de ses jambes. Elle avait aussi des troubles neurologiques, un des effets secondaires de l'AZT. Elle avait des pertes d'équilibre et ne s'en rendait pas compte. Elle ne pouvait pas répondre. Ce n'était quasiment pas une enfant.

Sa sour Elaine était exactement le contraire. Elle était extrêmement hyperactive et elle refusait de manger. Quand elle venait à table, elle croisait les bras et disait : « Je veux mon pediasure », la mixture buvable avec laquelle elle avait l'habitude d'être nourrie. Elle n'avait aucune idée de ce que c'était que manger normalement. Elle recevait des médicaments contre le SIDA depuis la petite enfance. Elle avait à répétition des infections glandulaires et des otites. Elle avait aussi d'importants troubles cognitifs. Les médecins nous avaient dit qu'elle était née handicapée mentale.

LS: Qu'avez-vous fait devant tous ces problèmes ?

Jacklyn Herger: J'ai mis toute mon énergie à aider les filles à guérir et à grandir. Nous leur avons donné une alimentation optimale, avec des produits biologiques coûteux, beaucoup de repos et de sommeil. Elles avaient des séances de kinésithérapie et d'orthophonie, une bonne école privée, des cours à domicile et beaucoup d'amour. Et nous avons suivi à la lettre leur traitement contre le SIDA. Après 18 mois d'efforts, il n'y avait aucun changement. Nous nous heurtions à un mur de briques.

J'ai commencé à chercher des réponses. Je suis allée à une conférence sur le SIDA de Philip Incao, un médecin spécialisé en médecine holistique. Il a parlé des problèmes de diagnostic du VIH, de la toxicité des médicaments, et de leur impact sur le système immunitaire. Ce qu'il a dit m'a mise en colère et m'a fait me sentir agressée.

Je suis allé le voir à la fin de la conférence. Je lui ai dit : « J'ai deux enfants séropositives chez moi actuellement, et vous recommandez de ne plus leur donner les médicaments ? » Il a dit « Oui. Les médicaments sont trop toxiques pour des enfants. » Il a dit qu'il avait un meilleur moyen de les soigner et de renforcer leur système immunitaire. Il m'a conseillé de lire le livre de Christine Maggiore: « Et si tout ce que vous pensez savoir à propos du SIDA était faux ».

J'ai lu le livre, et j'ai discuté avec des professionnels de santé, qui m' ont tous dit que les médicaments étaient dangereux. J'ai fait moi-même des recherches sur ces médicaments, qui m'ont amené à la même conclusion. Pendant encore des mois j'ai pesé le pour et le contre. Je savais que l'ICC et le Catholic Home Bureau ne seraient pas d'accord avec l'arrêt des médicaments, même si c'était la meilleure chose pour la santé et la survie des enfants. J'ai longuement consulté le Dr Incao au sujet des compléments et médicaments holistiques à donner aux filles pour améliorer leur système immunitaire. Et après toutes ces recherches et ces réflexions, j'ai décidé d 'arrêter les médicaments contre le SIDA.

Le changement n'a pas été spectaculaire, du jour au lendemain. Cela a pris un moment pour que leur système immunitaire se remette en route. Puis, je ne sais pas comment le dire exactement, elles sont devenues de plus en plus. humaines, en meilleure santé, plus fortes, physiquement, psychologiquement, socialement, et sur le plan cognitif. Pour la première fois, elles faisaient des progrès.

Elaine, qui ne mangeait jamais, s'est brusquement mise à dévorer allègrement. Ses otites ont commencé à se raréfier, puis ont disparu. Ses fonctions cognitives se sont considérablement améliorées. Le psychologue m'a dit qu'elle faisait des progrès considérables, elle passait de la pensée concrète à la pensée abstraite.

Liz, qui était obèse, a commencé à perdre du poids. Elle s'est mise à bouger davantage. Puis, à l'âge de 5 ans, elle a commencé à marcher. Dans les 6 mois qui ont suivi, elle s'est mise à courir, jouer, rire, rouler à bicyclette, et sauter sur le trampoline. Les filles pouffaient et se pomponnaient, et se mettaient à jouer ensemble, comme le font tous les enfants normaux.

Les médecins de l'hôpital de Nyack, qui suivaient les filles, m'ont suspectée de ne plus donner les médicaments et n'ont pas approuvé. Ils suivaient les choses de très près. Et puis, en 1999, Liz a présenté une éruption vésiculeuse desquamante sur l'avant-bras. Les médecins voulaient diagnostiquer cela comme un zona (une maladie due à un herpès virus), qui est une des maladies corrélées au SIDA, mais cette éruption ne correspondait pas aux critères cliniques, et ils n'ont pas voulu faire de tests de laboratoire pour la diagnostiquer.

Mais ils ne m'ont pas dit que la névirapine, un médicament que Liz avait pris, provoquait ce même type d'éruption vésiculeuse et desquamante, potentiellement mortelle (syndrome de Steven Johnson) que Liz avait sur le bras. Nous l'avons soignée et cela a très bien marché. Elle a guéri, les lésions ont cicatrisé, et l'éruption n'a jamais récidivé.

Puis Elaine a souffert d'une infection glandulaire, et je me suis demandée si j'avais fait le bon choix en décidant de supprimer les médicaments. Et alors, comme en réponse à ma question, elle s'est mise à aller mieux. Nous l'avons soignée, elle a guéri complètement.

Les deux filles avaient reçu pendant des années des médicaments extrêmement toxiques. Leur organisme avait enfin la paix et pouvait se consacrer à leur guérison. C'était comme si leur corps avait enfin la chance de pouvoir se débarrasser de tous les poisons qu'il avait accumulé pendant 6 années de médicaments contre le SIDA. Elles guérissaient comme tous les enfants normaux guérissent lorsqu'ils souffrent des maladies infantiles courantes. Elles ont continué à faire des progrès sur tous les plans, physique, cognitif et émotionnel, comme elles le faisaient avant l'éruption et l' inflammation. Et la vie aurait pu continuer à bien se passer.

Mais ça n'a pas été le cas. Alors même que les filles étaient en tout à fait bonne santé, le médecin a affirmé que nous les rendions malades en ne leur donnant pas les médicaments contre le SIDA. L'agence de la protection de l' enfance est arrivée chez nous, sans se faire annoncer, un samedi matin, et ils ont emmené les enfants.

Pendant des mois, nous avons intenté une action en justice pour les récupérer. Des experts médicaux sont venus de tout le pays pour parler de la toxicité des médicaments et de la validité des traitements alternatifs. Le juge n'a même pas voulu écouter leur témoignage. Un psychologue a expliqué au juge à quel point c'était dévastateur pour le psychisme d'un enfant, d'avoir su qu'il avait trouvé une famille, d'être venu vivre chez nous, de m' avoir appelé maman, puis du jour au lendemain de devoir tirer un trait sur cette relation et de ne plus jamais nous revoir.

Mais cela n'a eu strictement aucune importance en regard du fait que j'avais arrêté de donner les médicaments, même si les filles étaient en bonne santé, même si les médicaments sont toxiques. Le juge a décrété que les enfants seraient placées dans des maisons d'accueil, et que leur traitement serait de nouveau appliqué. Nous ne les avons plus jamais revues.

LS: Vous avez travaillé à l'ICC en tant qu'infirmière, et vous avez donné des médicaments contre le SIDA. L'ICC participe à des études sur les médicaments. Est-ce que c'était toujours le cas ?

Jacklyn: Oui, nous faisions aussi de telles études.

LS: Quelle est actuellement votre point de vue clinique sur ces médicaments ?

Jacklyn: J'ai été particulièrement scrupuleuse pour appliquer toutes les composantes du traitement des filles quand elles prenaient les médicaments, et elles continuaient à être malades. Elles ont seulement commencé à aller mieux quand j'ai cessé de leur donner ces médicaments. Donc, il me semble tout à fait clair que non seulement les médicaments n'aidaient pas les filles, mais qu'ils les rendaient malades.

Jacklyn Herger a fait l'impossible. Elle a ramené à la vie deux petites filles qui étaient presque mortes du « SIDA », et elle a été sanctionnée pour son succès. Le dévouement de Jacklyn devrait être un modèle pour tous les centres spécialisés dans le traitement du SIDA pédiatrique partout dans le monde. A la place, l'establishment du SIDA l'a cruellement punie. Si nous punissons les personnes qui trouvent des solutions innovantes dans le traitement du SIDA, comment pouvons-nous espérer vaincre le SIDA ?

Traduction F.R. 2004

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