L'AZT est toxique

Son efficacité n'est toujours pas prouvée

Auteur anonyme

La thymidine est une molécule chimique complexe dont la découverte, en 1964, est attribuée au chimiste américain HOROWITZ... Dès le départ, cette molécule a été considérée comme pouvant être active contre certains rétrovirus que l'on commençait à découvrir.

Cette molécule a fait l'objet d'étude en vue d'une utilisation dans des thérapies anticancéreuses. Rapidement cependant, ses effets secondaires dévastateurs on fait renoncer à une telle utilisation.
Dès 1983, la découverte des rétrovirus LAV puis HIV, immédiatement considérés comme responsables du SIDA, a stimulé la recherche médicale. Plusieurs traitements ont été suggérés, comme la SURAMINE, inhibiteur de la transcriptase reverse des rétrovirus qui n'affecte pas les fonctions immunitaires des lymphocytes, la RIBAVIRINE...
Ces drogues n'ayant pas démontré leurs capacités à restaurer les défenses immunitaires des patients et présentant d'importants effets secondaires, des études ont été réalisées afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Ainsi, dès 1985, les laboratoires Wellcome finançaient une étude in vitro, de l'impact de "3-azido-3" désoxythymidine sur le VIH.

Dans les conclusions de cette étude, publiée dans un journal scientifique américain (1), on peut lire : " ...on doit noter que l'activité in vitro d'un composant, contre un virus, ne garantie pas son efficacité clinique. L'utilité clinique d'un agent peut être remise en cause par sa toxicité, son métabolisme et d'autres facteurs. De plus, il est possible que des patients souffrant de formes avancées du SIDA puissent être dans un état d'immuno-déficience telle qu'elle ne dépende plus de la réplication du virus et qui donc nécessite une thérapeutique qui dépasse le traitement antiviral" (2).

Cette conclusion pour le moins dubitative est cependant renversée, à la fin du paragraphe qui précise : "cette drogue devrait être sérieusement considérée comme un agent antiviral expérimental chez certains patients victimes d'une infection HIV".
A aucun moment les auteurs n'expliquent comment ils justifient ces énoncés contradictoires. C'est pourtant à partir des conclusions de cet article qu'ont été lancés les premiers essais thérapeutiques.

Les premiers essais thérapeutiques.

Les statistiques

Les essais qui ont servi de base à l'obtention des licences et des AMM ont été effectués extrêmement rapidement. Ils ont fait intervenir peu de participants et on a utilisé, en conséquence, toutes les techniques statistiques disponibles.
Outre les risques d'interprétation douteuses engendrées par l'utilisation massive de ces techniques, elles rendent illisibles, et pas seulement au profane, les résultats de ces essais. Dans bien des cas, même les scientifiques ne font que se fier à l'interprétation donnée par les promoteurs de l'essai . 

La méthodologie des essais :

La mise au point et le lancement sur le marché d'un médicament sont insérés dans de strictes contraintes méthodologiques. D'après l'INSERM, un médicament doit faire l'objet d'un certain nombre d'expériences qui correspondent à des étapes d'évaluation très précises.
Après "réalisation" du médicament, expérimentation in vitro et sur l'animal, des essais

de Phase I, impliquant des personnes saines, doivent permettre d'évaluer la tolérance,

la posologie maximale ne pouvant être dépassée sans danger, et de connaître le devenir du produit dans l'organisme humain.

Les essais de phase II interviennent ensuite. Ils consistent en une expérimentation sur un petit groupe de malades, afin de déterminer, dans un premier temps, l'efficacité du médicament et son métabolisme ; dans un deuxième temps, la posologie optima confrontant l'efficacité thérapeutique et les effets indésirables.

Enfin, la phase III dite, essai clinique, doit permettre de confirmer l'efficacité et la sécurité d'emploi. Il s'agit d'un essai statistique comparé, en double aveugle avec un tirage au sort. Ce sont les résultats de l'essai clinique, en principe entrepris suite aux succès des essais des phases I et II et qui permettent la délivrance de l'AMM.

En principe, une phase IV prend place, après la délivrance de l'AMM. Son but est d'affiner les analyses par l'étude globale des effets du médicament dans les conditions normales d'emploi.

Les essais dans l'urgence

Un document de l'INSERM indique : "hanté par l'urgence, les médecins, les malades le plus souvent groupés en association, ont fait pression pour que l'on réduise la durée de ces essais, par la simplification de la méthodologie, au détriment de la rigueur ". Ainsi ont-ils contribué, pour une large part, à la contestation de l'essai contrôlé. Parmi les exigences formulées, certaines ont été retenues, conférant aux essais sur le SIDA une physionomie particulière telles que :

l'impasse sur l'expérimentation animale en ce qui concerne l'efficacité ( il n'y a pas de "modèle animal", sauf certains singes), télescopage des phases I, II et III, essais pragmatiques, généralisations des "Comités Indépendants de surveillance" permettant en particulier d'arrêter un essai le plus tôt possible..." (4)

Effectivement, les expérimentations animales réalisées, pour certaines, postérieurement à l'AMM ont essentiellement porté sur la toxicité du produit et non sur son efficacité (5).
Les essais de phase I et II ont été mélangés et n'ont pas permis de servir leur finalité de principe. l'essai de phase III n'aurait donc jamais dû être réalisé. Il a pourtant eu lieu. Mais, l'absence de préparation par des essais de phase I et II ne lui a pas permis de donner des résultats crédibles, en particulier en ce qui concerne la posologie optimum.

D'une façon générale, on constate que ces essais ont porté sur une population à 90 % masculine.

Une telle proportion s'explique mal, même s'il est vrai que le VIH touche plus d'hommes que de femmes. Les commentateurs des essais ne s'expliquent jamais sur ce point qu'il serait pourtant nécessaire de clarifier...

Concernant l'esprit dans lequel ces essais ont été réalisés, on doit dire que, contrairement à la pratique générale, ces essais n'ont pas été réalisés pour confirmer des certitudes "pré-démontrées" scientifiquement, mais plutôt afin de créer ces certitudes.
L'on se trouve en conséquence dans le cadre purement empirique fort éloigné de la rigueur scientifique.

Une étude systématique de ces essais va permettre de démontrer que la phase préparatoire à la commercialisation de l'AZT a été menée en dépit du bon sens et de l'extrême vigilance qui aurait dû s'imposer vu les circonstances (6).

Le premier essai

A la suite de l'article publié en 1985, un premier essai de toxicité s'est déroulé pendant 6 semaines, sur 19 personnes. En principe il s'agissait d'un essai de phase I, mais la lecture des résultats publiés au Lancet (7) révèle qu'il n'a pas été mené sur des sujets sains.

On ne peut donc pas le considérer comme un essai de phase I permettant de déterminer correctement quelle dose ne peut être dépassée sans danger.
C'est ainsi que dans les essais ultérieurs, on a pu administrer aux patients des doses massives avec certes des effets, apparemment "bénéfiques" au départ, mais qui ne pouvaient être soutenus à cause de la toxicité du produit (8).
L'on n'a par ailleurs aucune information sur les effets à long terme de ce médicament sur des personnes saines.

De ce point de vue, il y a lieu de se demander si cette absence d'essai de phase I proprement dit est uniquement liée à l'urgence, ou si elle n'est pas plutôt délibérée...

Le deuxième essai

Un deuxième essai a été mené par une équipe de professeurs d'Universités américaines, en collaboration avec le "Groupe de Travail sur l'AZT" du centre de recherche de Wellcome-Burrough à l'Université de Miami. Cet essai est considéré comme un essai de phase III, bien que l'essai dit de phase I ait été irrégulier et qu'il n'y ait pas eu d'essai de phase II.

Il a concerné 282 personnes, dont 103 sur 8 semaines (à peine de temps que le premier essai), 152 sur 16 semaines, et seulement 27 sur 24 semaines.

Les patients étaient tous atteints d'un S.A.S. (9), ou d'un SIDA. Ils étaient répartis en deux groupes, en fonction de leur taux de CD4 T4 : inférieur ou supérieur à 100/mm.

Il fut donné à 145 personnes 250 mg d'AZT, toutes les 4 heures, et à 137 personnes, un placebo, selon la même posologie. Le placebo et l'AZT étaient fournis par Wellcome.

Il n'est pas possible de connaître la répartition AZT/placebo pour chaque sous groupe (inférieur/supérieur à 100 mm/3 CD4 T4), ni par groupe de durée de traitement, et cela nuit à la lisibilité des résultats fournis.

A l'issue des 24 semaines, 20 personnes étaient mortes, dont 19 sous placebo et 1 sous AZT. Les commentateurs ne donnent pas d'indication sur les sous-groupes dans lesquels se trouvaient ces personnes.

Le commentaire de ces essais (10) part immédiatement dans les analyses statistiques de moyenne et de probabilité. Il se concentre sur le rapport de 19 à 1, mais ne souligne jamais une autre évidence : à l'issue des 24 semaines, sur les 137 personnes qui avaient reçu le placebo (et sans compter celles qui n'avaient pas reçu de l'AZT que pendant 8 semaines), 118 étaient toujours vivantes.

Concernant la survenance d'infections opportunistes (11), l'étude parait favorable au traitement de l'AZT, après 8 semaines. Toutefois, on constate un rapprochement significatif des courbes retraçant la survenance de ces infections opportunistes entre les groupes placebo et AZT, à partir de la 23ème semaine.

Il en est de même pour l'état clinique dont la légère amélioration, en début de traitement n'est plus significative après 16 semaines, sauf en ce qui concerne la prise de poids.
En ce qui concerne les CD4 T4, les patients atteints d'un SIDA ont eu, dans un premier temps une remontée de leur taux, qui est cependant revenu au niveau de départ, avant la fin de l'essai, chez tous les sujets. Le même phénomène est constaté avec les patients sous AZT qui au début de l'essai n'avaient qu'un SAS.

Toutefois la "re-détérioration" du taux T4 CD4 s'amorce plus doucement.
Cette chute du taux des CD4 est expliquée par les commentateurs comme la conséquence du développement de neutropénie, induite par la toxicité de l'AZT !

Enfin, pour ce qui est de l'effet antiviral, "l'essai ne permet pas de conclure..."

Finalement, dans leurs conclusions sur cet essai, les commentateurs émettent des doutes sur l'efficacité du traitement pour les patients devant suivre régulièrement d'autres traitements anti-microbiens contre des infections opportunistes, (ce qui est le cas de tous les patients atteints du SIDA). Ils refusent de se prononcer sur les bénéfices et la toxicité à long terme du traitement (12). Cependant, sans se soucier des contradictions, ils soutiennent que l'AZT renforce le système immunitaire des patients et prônent " l'utilisation continue de l'AZT, en dépit de la survenance d'infection opportuniste " (13).

Enfin, pour expliquer certains résultats "positifs" de l'AZT, sans doute considérés comme insuffisamment révélateurs, les commentateurs n'hésitent pas à écrire :
"la toxicité de l'AZT et la réduction conséquente des dosages a pu avoir pour résultat l'échec du traitement à maintenir ses effets positifs chez certains patients" (14).

Autrement dit, si des effets de phase I et II avaient été réalisés régulièrement, il n'aurait pas été permis de donner des doses d'AZT assez importantes pour produire les effets "bénéfiques" immédiats auxquels les expérimentateurs sont parvenus.

Doit-on s'étonner que l'étude de toxicité ait fait l'objet d'une publication à part dans le même journal (15), et par les mêmes auteurs ?

Quelles qu'en soient les conclusions, il est certain que cette présentation ne permet pas d'avoir une lecture cohérente et de faire un réel bilan efficacité/toxicité de ce médicament.

Sans s'attarder sur les céphalées, insomnies et nausées qui concernaient tous les malades , il y a lieu de s'intéresser aux problèmes hématologiques induits par l'AZT et qui incluent les phénomènes suivants (17) :

- baisse du taux d'hémoglobine
- baisse des globules blancs
- augmentation du volume cellulaire des hématies
- dégradation de la moelle osseuse (neutropénie)
- nécessité de transfusion

Ces phénomènes sont finalement peu étonnant si l'on considère que rendre dans la composition de l'AZT, un produit extrêmement toxique, le sodium Azide18 , ligand qui se fixe définitivement sur l'ADN des cellules souches des cellules du sang, empêchant la réplication correcte de leur ADN et leur maturation vers des cellules différenciées.

La conséquence à long terme étant, entre autres, le décès par aplasie médullaire.
Ces phénomènes s'expliquent par l'absence totale de sélectivité de l'AZT qui finalement s'attaque à toutes les cellules, qu'elles soient ou non infectées par le virus.

Effectivement, ces manifestations de la toxicité de l'AZT sont décrites par les commentateurs de l'essai comme potentiellement mortelles.
Sur ce point, il y a lieu de déplorer l'absence de présentation homogène des résultats. En effet, concernant la qualité de vie des patients (19) , il est difficile de déterminer s'il est préférable de subir les effets d'une neutropénie ou d'une candidose buccale...
C'est pourquoi, il eut été extrêmement intéressant de pouvoir comparer, la survenance d'infections opportunistes et celle d'effets secondaires, chez les patients sous AZT et chez les patients sous placebo. Cela aurait permis une vision réelle du rapport efficacité/toxicité.

Cette absence de vision réelle du rapport efficacité/toxicité est également ressentie chez les commentateurs qui pour finir, écrivent : "la réponse à la question de savoir pour quels patients le traitement sera néfaste ou efficace reste un défi" (20).

Sur la base des résultats de cet essai, et aussi incroyable que cela puisse paraître pour qui en lit les conclusions avec un tant soit peu d'attention et d'esprit critique, une licence a été accordée aux U.S.A. par la Food and Drug Administration, et immédiatement après, en France par le Ministère de la Santé, sur avis favorable de l'Agence Nationale de Recherche contre le SIDA.
Les doses préconisées par cette AMM (21) étaient 1200 à 1800 mg, par jour.

S'il est préoccupant que cette AMM ait été délivrée, vu les résultats de cet essai, il est plus grave encore qu'elle ait été demandée. En effet, on peut concevoir que les pouvoirs publics ne soient pas entrés dans les subtilités statistiques des résultats produits.

Il est cependant impensable que la firme Wellcome-Burrough, même en tant que laboratoire vétérinaire, n'ait pas elle-même tiré des conclusions négatives de cet essai, et renoncé à demander la commercialisation d'un produit d'efficacité thérapeutique trop réduite comparée à sa toxicité.

Suites contestables de cet essai

En août 1988, la revue "the Americain Journal of Medecine" a publié un numéro spécial sur un colloque consacré aux "antiviraux" produits par la firme Wellcome. La première page du journal était consacrée à un avertissement solennel aux prescripteurs, déclinant la responsabilité du journal pour les conclusions émises dans les articles produits.

Les divers articles contenus dans ce dossier attestent l'absence d'étude complète de toxicité sur l'animal (22) préalable aux essais sur l'humain !
Le but de ces articles semble être de suggérer à moyen terme de nouvelles utilisations de l'AZT, notamment pour le traitement des enfants (23).

Dans ce numéro, un article (24) est consacré à la suite de l'essai que l'on vient d'étudier.
A la fin de cet essai, tous les patients se sont vu "offrir" un traitement à l'AZT.

Les résultats attendus devant servir à démontrer l'intérêt ou non d'une prise plus ou moins précoce d'AZT.

D'après les résultats annoncés, on doit souligner l'absence de données concernant le sort des personnes ayant refusé de prendre de l'AZT à l'issue de l'essai. En l'espèce il est précisé que trop peu de patients restaient dans ce groupe après 36 semaines pour permettre une analyse statistique fiable. Toutefois, nous n'avons aucune information sur le nombre de personnes restant dans ce groupe à l'issue des 16 semaines de l'essai.

D'une manière générale, il n'existe aucune statistique sur la durée de vie des personnes

séropositives ou atteintes d'un S.A.S. ou d'un SIDA et qui n'aurait jamais pris d'AZT.
La conclusion objective de l'étude (25) est que la prise précoce d'AZT n'a finalement un effet différentiel, en terme de survie, que pour 20% des malades, avec une baisse de ce pourcentage au fil du temps.

On constate également que finalement, les pourcentages de survie se suivent, avec un décalage maximum de 30 semaines.

Les commentateurs ont évidemment une lecture plus optimiste de ces chiffres et favorable à une prise précoce d'AZT, conformément aux objectifs de Wellcome.
On doit tout de même noter qu'à la même période, plusieurs articles remettaient en cause, directement où non, l'efficacité de l'AZT, et pas seulement en terme de toxicité directe.
Ainsi, dans son numéro ordinaire d'Août 1988 (non financé par Wellcome), le même American Journal of Medecine publiait une étude de B.K. Hendricks (26), évoquant les conséquences, en terme d'immuno-suppression de la baisse de nombre de globules blancs (déjà connues depuis 20 ans) et de la neutropénie.

Il n'est fait aucune référence à l'AZT dans cet article, mais comment ne pas conclure que l'AZT, avec la neutropénie qu'elle induit produit exactement l'effet qu'elle est censée traiter !
Par ailleurs, en 1990, une nouvelle étude menée par M. FISCH était publiée (27). Elle concernait un essai thérapeutique démarré en décembre 1986 et visant à démontrer l'efficacité de l'AZT à des doses réduites.

Curieusement, les résultats produits, en terme d'espérance de vie, pour les patients prenant de l'AZT selon une posologie de 1500 mg/jour, sont bien moins significatifs que ceux produits par RICHMAN et ANDREW en 1988, et lors du premier essai en 1987.
Ces courbes en disent long sur l'impact du traitement statistique appliqué à des données insuffisantes. Même si les différences de résultats ne sont pas "astronomiques", elles sont révélatrices d'anomalies graves et remettent en cause la fiabilité de l'essai sur la base duquel l'AMM a été donnée.

Cela n'a pas tourmenté les promoteurs de cette AMM.
Il est par ailleurs clairement admis l'absence d'effet à long terme sur le taux de CD4 T4, indicateur pourtant privilégié de la soi-disant nécessité du traitement à l'AZT.
De plus, cet essai a démontré -enfin- l'inutilité d'une prescription d'AZT à forte dose.

Une fois encore, l'absence d'essai de phase I et II révélait ses effets.

Commentant sur cet essai, un document de l'ANRS (28) indique : "une comparaison réelle de ces deux doses n'a pas été possible car les patients soumis à une forte dose ne l'ont pas tolérée et ont reçu, en moyenne la même dose que l'autre groupe".

Curieusement cette intolérance à de fortes doses est présentée comme une évidence par un organisme qui, 4 ans auparavant, donnait son avis favorable à une AMM, pour une posologie comprise entre 1200 et 1800 mg./jour... et 6 mois plus tôt, à une AMM, pour une posologie de 1500 mg/jour aux personnes séropositives asymptomatiques.

Il est permis de douter que l'essai ayant servi de base à l'AMM n'ait pas permis de déceler cette intolérance; à moins que pour garantir des résultats, on n'ait préféré ne pas en tenir compte ?

L'essai ACTG 019 :

De 1987 à 1989, un autre essai a été mené, cette fois-ci sur des personnes séropositives asymptomatiques, (et ce, alors même qu'un traitement précoce des personnes atteintes du SIDA n'avait pas révélé d'intérêt significatif par rapport à un traitement différé...).

Cet essai, a été justifié par ses commentateurs d'une manière plutôt surprenante :

" ...d'autres études de la Zidovudine (AZT) dans des formes évoluées d'infection par le HIV, ont montré que l'allongement de la survie, quoique moins spectaculaire que ne le laissait prévoir les premiers résultats, persiste au delà des 18 premiers mois de traitement.
Toutefois, l'emploi prolongé de Zidovudine entraîne parfois une diminution de la sensibilité des isolats de VIH au médicament, et peut-être responsable de myopathie.
Différentes considérations nous ont incité à entreprendre l'essai dont nous apportons ici les résultats"
(29).

Le protocole d'étude décrit ensuite permet d'anticiper une certaine confusion dans les résultats, puisque les divers groupes de sujets ont été modifiés en cours d'essai, sans que les commentateurs fournissent d'explications satisfaisantes.
Le descriptif des méthodes statistiques utilisées ne laisse aucune illusion sur la lisibilité des résultats.

Enfin, on apprend que cet essai a concerné 1338 sujets ayant tous un taux de CD4 T4 inférieur à 500/mm3, mais aucune indication n'est donnée sur le nombre d'années, depuis lequel les personnes ayant participé à l'essai avait été infectées.

Lorsque l'on sait que l'incubation de cette maladie peut aller de 5 à 10 ans, on peut considérer que sans cette indication, les résultats de cet essai sont à priori inutilisables.

Le test a démarré en 1987 et s'est poursuivi jusqu'en mai 1989.

Il a concerné 1338 sujets, mais en définitive, ce sont :

- 142 personnes qui ont reçu le placebo pendant une moyenne de 61 semaines
- 269 personnes qui ont reçu de l'AZT à 500 mg/jour pendant une moyenne de 51 semaines.
- 249 personnes qui ont reçu de l'AZT à 1500 mg/jour pendant une moyenne de 51 semaines.

Les résultats, particulièrement difficiles à exploiter, amènent les commentateurs à plusieurs conclusions :

- d'une part, un dosage à 1500 mg semble moins efficace qu'un dosage à 500 mg/jour ; si tant est que ce dosage soit efficace, vue les réserves qui précèdent et celles qui suivent...
- d'autre part, "étant donné que nos malades n'ont été suivis que pendant deux ans, nos résultats ne renseignent pour le long terme, ni sur les éventuels bénéfices, ni sur la tolérance." "...Ainsi, il se peut que le taux d'apparition d'événements cibles finisse par s'égaliser entre les trois groupes thérapeutiques.

Il est également possible, même si la Zidovudine continue à retarder l'apparition du SIDA, qu'elle n'ait pas, au bout du compte d'effet sur la survie (...), l'ensemble des avantages du traitement précoce de l'infection à VIH par la Zidovudine doit être mis en balance avec les risques liés à sa toxicité potentielle, le coût du traitement et l'incertitude concernant sa capacité à améliorer la survie à long terme" (30).

Suite à la publication de ces conclusions dubitatives et en dépit de la conférence internationale de San Francisco, où de sérieuses réserves avaient été émises sur l'AZT (31), l'AMM a été modifiée, à la demande du représentant légal de la firme Glax-Wellcome, le 29 août 1990.

La modification va dans le sens d'une extension de la possibilité de prescription aux patients asymptomatiques. Par ailleurs, la posologie préconisée pour les personnes atteintes d'un S.A.S. ou d'un SIDA a été modifiée. La nouvelle AMM prévoit les posologies suivantes -clairement aberrantes :

- asymptomatiques : de 500 à 1500 mg/jour
- symptomatiques : 1200 mg/jour
- stade avancé : 600 mg/jour
Sur cette AMM, il y a lieu de souligner :
    • qu'elle intervient alors qu'un an auparavant, on pouvait lire, dans une circulaire du Ministère de la santé : " les bénéfices cliniques de ces drogues ne sont pas aujourd'hui clairement démontrés " (32).
    • - Que le dosage suggéré pour les personnes atteintes d'un SAS révèle l'absence totale de prise en compte des derniers travaux de M. FISCH (33).

Ces travaux n'étaient certes pas encore publiés (octobre 1990) mais, comme pour les précédents, on ne peut pas croire qu'ils étaient inconnus des spécialistes de la question.

- qu'elle s'appuie quasi exclusivement sur une brochure publiée en juillet 1990 par les Laboratoires Wellcome dite "Anticiper, ou l'intérêt du traitement précoce des infections à VIH".

Cela nous confirme, une fois encore, la responsabilité totale de la Société Wellcome-Burrough.

L'essai Concorde

Depuis lors, un nouvel essai a été mené, dit "essai concorde" que Wellcome a refusé de signer, en dépit du fait qu'il en était l'un des instigateurs.
Les résultats de cet essai ont été publiés au Lancet en 1993.

Cet essai a clairement démontré l'inefficacité à long terme d'une prise précoce d'AZT pour les malades asymptomatiques.

L'AMM n'a pas été modifiée en conséquence.

Trois ans après, les résultats du suivi de cet essai sont sur le point d'être publiés. Les premiers échos des conclusions préliminaires montrent qu'à long terme, non seulement l'AZT n'a pas d'efficacité clinique chez les patients asymptomatiques, mais qu'au contraire, le taux de mortalité s'accroît plus rapidement chez les patients ayant reçu précocement de l'AZT...

Le doute

L'exposé des divers résultats de ces essais, contradictoires et imprécis, utilisant au maximum les statistiques au détriment de la rigueur scientifique laisse place à une réelle confusion.

L'absence d'effets tangibles, la toxicité (34), l'immuno-suppression induite, le fait qu'il est impossible de déterminer l'origine de certains symptômes, (liés au SIDA ou à la prise d'AZT35...), toutes ces données font que l'on ne peut s'expliquer pourquoi l'AZT n'a pas été rejeté comme une série d'autres médicaments, pour absence d'efficacité, comparé à une trop grande toxicité (36)

Aujourd'hui, les conclusions de l'essai Concorde, publiées en 1993, n'ont toujours par entraîné de modifications de l'AMM. Dans ces conditions, un seul sentiment émerge : le doute.

Le doute parce qu'une AMM a été délivrée pour un médicament dont toutes les expérimentations ont été réalisées à l'étranger et financées par son promoteur.

Le doute, parce que les résultats des essais sont toujours restés illisibles, sauf peut-être pour leurs commentateurs, du fait des manipulations statistiques qui les avaient déformés.

Le doute, parce que dans tous les commentaires, la toxicité n'est jamais franchement prise en compte.

Références

1 Proceeding of the National Academy of Science oct.85, Vol.82 n°20 (doc.n°2)
2 Ibid p.7099
3 "Les statistiques en médecine, et s'il était temps de prendre un peu de distance", B. Falliard et P. Landais dans Médecine thérapeutique, Vol.1, n°8, déc.95 (doc.3-
4 Document INSERM, p.39 (doc.)
5 American Journal of Medecine, août 88, doc.C6
- International journal of Cell Cloning 1990/8, 332.345 (doc 19)
- American journal of hematology 1990.35 1-5
6 Le Monde, éditorial du 28.02.96 (doc. 23)
7 LANCET 1986, p. 575-580
8 New England Journal of Medecine, 1987, p. 190 (doc. 4)
9 Syndrome Associé au SIDA
10 New England Journal of Medecine 1987, n° 317, p. 187 s (doc. 4)
11 Ibid., p. 188 Tableau 2
12 New England Journal of Medecine, n° 317, article suivant des mêmes auteurs, p. 196 (doc.5)
13 Ibid., p. 190 (doc.4)
14 Ibid., p. 190
15 New England Journal of Medecine, Vol 317, 1987, p. 192s (doc.5)
16 Il pourrait être intéressant, à cet égard, de connaître la composition du placebo fournit par Wellcome...
17 Ibid., p. 196
18 Etiquette Aldrich (doc.24)
19 Sur cette question de la qualité de vie des patients, il faudra attendre 1994 pour que soit publiée au New England Journal of Medecine, un article sur la question, dont il n'a guère été tenu compte jusqu'à présent (NEJM, n° 330, p.743-748)
20 Ibid., p. 196
21 AMM du 13 mars 1987, non signée (doc.)
22 American Journal of Medecine, Vol.85 suppl.2A, August 88, p.188 : "la Zidovudine fait l'objet d'autres évaluations dans une série d'expérimentations toxicologiques", "son potentiel de toxicité chronique est actuellement étudiée dans un essai sur un an sur des rats et des singes cynomalgus" (doc.6C). Pour les résultats de cette étude, voir Figaro, 13.12.1989 (doc. 25)
23 Ibid. deux articles, p. 180 et p 184 (doc. 6D et 6E)
24 Ibid. p. 208-213 : "Result of continued monitoring of participant in the placebo controlled trial of Zidovudine for serious human immunodeficiency virus infection", D. Richamn et J. Andrew (doc. 6F)
25 traduit en courbe, page suivante de ce mémoire
26 American Journal of Medecine, Vol. 85, août 88, p.264 (doc. 7)
27 New England Journal of Medecine, octobre 1990, n° 323 (doc. 8)
28 Document d'information ANRS, avril 1987, p. 7 (doc. 20)
29 New England Journal of Medecine, 1990, n° 322, p. 941-949 (doc. 9)
30 Ibid., traduction p. 11
31 Le Monde, 23.06.90 (doc.10)
32 Circulaire 13.02.89 (doc.)
33 NEJM.323, p. 1009 (doc. 8)
34 -New England Journal of Medecine, 317, p. 192 (doc. 5)
- British Medical Journal, Vol.300, 20.01.90, p. 163 (doc. 13)
- Annals of Internal Medecine, Vol.110, p. 85 (doc. 14)
- American Journal of Hematology, 35.1.5.1990 (doc. 15)
- Nature Medecine, Vol.1 n° 5, may 1985 (doc. 21)
- Pathology 1992, 24 pp. 109-111 (doc. 22)
35 Side effect of drugs, 12ème édition, p. 745, une certaine lecture (doc. 12)
36 American Journal of Medecine, p. 183 et Journal of Medical proceeding, 1985 (doc. 2, 6 A et 6 B)

G L 0 S S A I R E :

AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
ANRS : Agence Nationale de Recherche sur le SIDA
AZID0THYMIDINE (AZT) : Médicament commercialisé par la Firme Wellcome-Burrough et censé combattre les effets du SIDA, également dénommé : ZID0VUDINE, THYMIDINE, RETR0VIR...
CD4 ou T4 : Marqueur du fonctionnement du système immunitaire dont le taux détermine à l'heure actuelle la prescription d'AZT aux patients. Le taux normal de ces marqueurs dans le sang s'établit autour de 700/mm3
FDA : Food and Drug Administration, organisme américain habilité à délivrer les licences des nouveaux médicaments.
WELLC0ME : Laboratoire vétérinaire qui commercialise l'AZT, connu aux U.S.A. sous le nom de WELLC0ME-BURR0UGH, et aujourd'hui, suite à une fusion, sous le nom de GLAX0-WELLC0ME.


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