La peur et la haine à Genève

Quelques Réflexions sur le Piteux Etat du Journalisme SIDA
par Celia Farber

J'ai été présente, en tant que journaliste, à huit Conférences Internationales sur le SIDA - à Washington D.C., Montréal, San Francisco, Stockholm, Florence, Berlin, Vancouver, et cette année 1998, à Genève. Elles ont été toutes d'une médiocrité équivalente, une perte totale de temps pour un journaliste. Je m'y rends principalement pour renforcer ma conviction que le SIDA - toute l'industrie et la mécanique sociale du SIDA - est à la base un système totalitaire. J'entends par là qu'il existe une idéologie centrale qui cherche à imposer sa domination par l'obstruction méthodique de toutes les idées qui vont à son encontre. Ce n'est pas un lieu pour des journalistes. Les ''médias'' - pour autant qu'ils sont présents - ne sont là qu'à des fins décoratives. Si un journaliste fou vient à poser une question - une vraie question - il ou elle se voit confronter d'un mur de visages fermés et des sifflements. Les micros sont coupés. J'ai même assisté à des interventions par des agents de la sécurité, et j'ai vu un journaliste se faire expulser du pays (l'Allemagne) parce qu'il a posé des questions qui n'étaient pas appréciées par les institutions du SIDA. Ces conférences concernent l'imposition d'une idéologie, et non pas sa remise en question. Comme j'ai déjà dit, elles ressemblent à une sorte de " Parade d'Octobre " pour la partie du SIDA.

Je comprends que pour l'américain moyen, le mot ''SIDA'' fait penser peut-être à Liz Taylor ou à Elton John et à des rubans rouges, des parades, des couettes et des bougies et toute sorte d'activité bénévole. Toutes ces choses sont probablement assez bien-intentionnées. Mais la vraie force motrice de la superstructure du SIDA - le pouls qui bat juste en dessous cette patine de gentillesse - est une industrie d'une puissance terrifiante, implacable et amorale, l'industrie pharmaceutique. J'y reviendrai à la question des médias tout à l'heure, mais d'abord, je vais quantifier ce que je viens de dire.

Ces ''Conférences Internationales du SIDA'' ne sont, en vérité, que des microcosmes de l'industrie du SIDA elle-même. Elles sont financées, dirigées et commandées par l'industrie pharmaceutique. Cette année à Genève, il y avait de la publicité pour des produits pharmaceutiques collée jusque sur les tapis roulants pour bagages à l'aéroport.

A chaque conférence, les principaux géants pharmaceutiques occupent avec leurs structures un parterre de la taille d'un stade - ils fabriquent des mini-villages comprenant d'immenses écrans vidéo, des piliers vertigineux, des présentations interactives et toutes sortes de cadeaux, y compris des CDs, des vidéos, des sacs, des préservatifs, des crèmes glacées, des chocolats et n'importe quoi d'autre qui pourrait servir d'appât pour amener les délégués jusqu'à leurs stands.

Glaxo-Wellcome, fabriquant de ce qui a été autrefois le nec plus ultra des drogues SIDA - le AZT - offre de façon systématique le voyage en premier classe et les chambres d'hôtel pour des dizaines de soi-disant activistes, la plupart d'entre eux membres de ACT UP.

La plupart des médecins présents sont là aux frais de l'industrie pharmaceutique, et en supplément de leurs frais de voyage et autres per diems , ils sont invités à une série continuelle de déjeuners et de dîners opulents. Beaucoup des médecins qui écrivent pour les journaux médicaux sur les effets des drogues SIDA sont en fait des consultants payés par les mêmes compagnies pharmaceutiques. En somme, c'est un festival de prostitution sophistiquée.

Je croyais que j'avais tout vu, mais cette année à Genève, dans la salle de presse, j'ai vu quelque chose qui, un instant, m'a fait l'effet d'un flashback LSD. J'ai ramassé une copie d'un journal qui ressemblait à un exemplaire de " USA Today ". C'était en effet " USA Today ", avec le logo et tout. Mais l'ensemble des textes - j'entends par là toutes les histoires - sur la première page concernait des drogues. En fait, les textes concernait des drogues de chez Glaxo, et tout y était lumineux, lumineux. Puis j'ai remarqué, affiché en lettres minuscules en bas de la page, que la première page tout entière avait été achetée par Glaxo - et la copie écrite par les employés de Glaxo! Et cette " édition spéciale " se distribuait partout à Genève, avec l'apparence d'un exemplaire ordinaire de " USA Today " dans lequel le personnel aurait brusquement décidé d'informer le monde sur les merveilles des drogues de chez Glaxo.

Chaque matin dans la salle des médias, on trouvait des enveloppes aux noms des journalistes de tous les journaux principaux, préparées par les représentants des compagnies pharmaceutiques. On voyait les journalistes ouvrir leurs enveloppes, se rendre à leurs ordinateurs et se mettre à taper. " On dirait qu'ils sont tous en train de tricoter là-dedans, " remarqua mon ami Huw Christie, éditeur du magazine dissident " Continuum ". (Le terme " dissident du SIDA " désigne tout simplement une personne qui émet une doute concernant l'hypothèse courante sur le SIDA).

De la conférence de 1993 à Berlin - quand la publication des résultats de l'étude " Concorde " a réduit en miettes l'idée grotesque mais âprement défendue que l'AZT était une drogue apte à prolonger l'espérance de vie - j'ai le vif souvenir d'un incident qui m'a semblé tout résumer. A l'une des entrées de la conférence se tenait un homme qui portait un enseigne " A bas l'AZT ", ou quelque chose de semblable. Ce pauvre homme a été pris à partie par une horde d'activistes enragés (membres de ACT UP), dont certains portaient des cheveux néons et des coupes Mohawk. Ils ont cassé son enseigne, pris ses tracts pour les déchirer, l'ont mis par terre, l'ont rudoyé, et puis ont mis le feu à ces affaires. On a appris plus tard que ces fanatiques de l'AZT - qui d'ailleurs n'ont jamais été corrigé - étaient venu là aux frais de Wellcome. Pour tous ceux d'entre vous qui n'avez pas suivi l'évolution du score SIDA-médias à travers ces dernières années, je peux vous le résumer ainsi : les médias traditionnels du SIDA ont embourbé l'histoire à peu près sans espoir de ratrappage par la répétition constante et sans aucune vérification des déclarations en provenance des institutions gouvernementales concernant le SIDA.

Ils ont gobé tout entier l'idée non fondée d'une " explosion " de SIDA hétérosexuel, conception basé sur aucune preuve, alors que, en effet, ce n'est jamais arrivé et n'arrivera jamais. Ils ont déclaré sans état d'âme que l'AZT était une drogue merveilleuse qui pourrait sauver des vies, se basant sur des études qui étaient frauduleuses et financées par le fabriquant même de la drogue. (Au contraire, il a été démontré que l'AZT raccourcit la vie.) Ils ont négligé de révéler que le scientifique américain du SIDA, Robert Gallo, avait volé son échantillon du virus VIH à l'Institut Pasteur, malgré le fait que c'était évident pour tout le monde, et aussi, inexplicablement, ils n'ont jamais posé de question sur la déclaration du même Dr. Gallo en 1984 - totalement sans preuve, elle aussi - que le VIH était la " cause prouvée " du SIDA. Ils continuent à inventer une épidémie du SIDA qui est censée décimer l'Afrique, malgré le fait que tous les pays africains touchés par le SIDA déclarent une croissance démographique. Et ils sont devenus hystériques avec les histoires " La Fin du SIDA " en 1996, déclarant que les nouveaux " cocktails " de drogues étaient en train de ressusciter les mourants. Mais maintenant on en sait un peu plus - ces drogues provoquent des effets secondaires horrifiques et n'ont que très peu d'effet sur la mortalité.

Mais aucun de ces journalistes n'a perdu son poste, ni même été sanctionné - parce que le " journalisme " du SIDA n'est qu'une façade. Je l'ai réalisé cette année à Genève quand je me suis rendue à un groupe de discussion sur le "SIDA et la Responsabilité des Médias ". Il s'y trouvait un groupe de journalistes, et assise au milieu, Miss America. Ils ont parlé comme d'habitude, déclarant que " la responsabilité des médias " par rapport au SIDA était ci et ça. Combien il est important " d'éduquer " le public. Comment les journalistes forment les réponses culturelles au SIDA.

Au bout d'un moment, je n'en pouvais plus, et je suis montée au micro avec dans élan rare de courage. " Le problème..., " je leur ai dit, " ...est ce genre de discussion, toute ces parlotes concernant la 'responsabilité'. Il n'y a pas de responsabilité, ni plus ni moins qu'il n'y a pour n'importe quelle autre histoire. La seule responsabilité d'un journaliste est de faire son enquête et d'écrire son histoire. Nous ne sommes ni des Boy Scouts ni des missionnaires ni des agents du plus grand bien. Nous sommes des journalistes. "

Ils m'ont coupé le micro. Une femme du groupe - venant d'une petite île des Caraïbes - est venu me voir pour me dire : " Je crois savoir ce que vous voulez dire. J'entends partout que dans mon pays nous avons plus que 400 cas de SIDA, et que ce chiffre augmente, mais ce n'est pas vrai. Nous avons autour de 18 cas. Mais si je leur dis cela, ils me répondent que je suis irresponsable. "

Elle a rit. " C'est ça que vous voulez dire? " Je lui ai répondu que c'était exactement ça.

C'est la réalisation virtuelle de la " dystopie " d'Orwell, où la partie dicte que ce qui est faux est " responsable " et ce qui est vrai est " irresponsable ".

C'est si arrogant, si grandiose, de penser' que nous, en tant que reporteurs du SIDA, avons une sorte de " responsabilité " plus élevée, un travail qui est plus complexe, plus important que le travail de n'importe quel autre journaliste sur n'importe quel autre sujet. Tout cela n'est qu'une plaidoirie à peine masquée en faveur de la propagande. Le journalisme démêle, révèle - au mieux, il dérange. La propagande, au contraire, opère sur le plan émotionnel, et oblige à une concentration constante sur ce qui est perçu comme le plus grand bien. "Son travail," comme le disait Goebbels lui-même, "consiste à maintenir la persuasion du peuple, et à former les générations futures." Goebbels était très clair dans son mépris des faits : "Voilà qui montre la différence entre la propagande et l'éducation du peuple," disait-il. "La propagande est un concept politique révolutionnaire. L'éducation du peuple se limite à informer le peuple de façon plus pragmatique sur des nécessités et des questions existantes."

Pendant l'une des conférences de presse présidée par des têtes de file du SIDA tels le Dr. Anthony Fauci (chef de la National Institute of Allergy and Infectious Diseases) et le Dr. David Ho (fan de cocktails), certains journalistes dissidents ont posé des questions pointilleuses sur l'éventuelle existence des preuves de l'isolement du VIH. Un de mes collègues a entendu une journaliste pousser des soupirs et l'a vu lever ses yeux en signe d'exaspération. Ensuite, elle s'est approchée du Dr. Fauci et lui a chuchoté de façon audible: "Mais comment font ces gens pour avoir des laisser-passers? Il faut faire quelque chose!'' Et l'activiste Mark Harrington, aussi membre du comité, de crier: ''Pourquoi vous n'organisez pas votre propre conférence? Pourquoi vous faut-il venir ici?''

Nous avons appris plus tard que les plaintes sur notre présence à la conférence n'ont pas été émis par les " têtes " du SIDA, pas même par des représentants pharmaceutiques; mais par des journalistes - qui n'ont probablement même pas conscience qu'ils ont déjà quitté le royaume du journalisme pour rejoindre, en planant, un endroit calme et bien organisé où il n'y a aucune question, aucun dérangement du tout ... et où la vérité se trouve en occlusion totale.

Celia Farber a enquêté sur le SIDA pour le magazine SPIN pendant dix ans.

Traduction : Pete Kimberley, Paris 1999


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