Enquête sur le sida. Les vérités muselées

de Renaud Russeil

Préface de Paul Lannoye

L'avènement de la société industrielle a été marqué par une em-prise croissante de la Science sur notre mode de vie et sur les choix technologiques qui le conditionnent. Aujourd'hui, après quelques décennies caractérisées par de véritables bouleversements dans des domaines aussi divers qui l'énergie, les technologies de l'information ou le génie génétique, il n'est plus de décision politique qui ne s'appuie sur une expertise scientifique censée éclairer "objectivement" les responsables.

Le scientifique a ainsi acquis le statut et l'autorité morale qu'avaient autrefois les gens d'église et les philosophes.

Dès lors que le progrès est permanent dans la connaissance des phénomènes naturels, la compréhension des mécanismes de fonctionnement de la société et l'évaluation de l'impact des nouvelles techniques sur l'environnement, on ne peut que trouver logique et bénéfique pour tous les citoyens de voir intervenir les spécialistes pour aider à la prise de décision. Ceci est d'autant plus justifié lorsqu'il s'agit d'enjeux importants, aux conséquences sociales, écologiques ou économiques lourdes. Ainsi, l'image du scientifique objectif, désintéressé et garant du bien-être collectif s'est-elle progressivement imposée. Cette évolution ne serait en aucune manière gênante si elle ne s'accompagnait d'une dérive dangereuse, porteuse de risques graves pour la société elle-même.

La désaffection grandissante à l'égard des religions et de toute vision spirituelle a sans doute résulté pour une large part de l'attitude souvent dogmatique des églises et de leurs représentants. Il faut bien constater malheureusement qu'au nom de la Raison, le même dogmatisme s'est le plus souvent imposé dans les milieux scientifiques. Le scientifique, l'expert appelé à s'exprimer pour aider à la décision politique, est perçu comme le porte-parole d'une Raison qui par son caractère universel, lui confère une aura qu'il est bienvenu de ne pas lui contester.

Il est celui qui sait, le détenteur de la Vérité.

On sait à quel point cette vision est éloignée de la réalité.

Il n'y a pas de vérité scientifique. Il n'y a jamais qu'une tentative permanente de mieux cerner la réalité par l'examen des faits, l'élaboration de théories explicatives et leur confrontation avec les faits. Au fil des découvertes, les théories évoluent, s'affirment ou sont remises en question. Une vérité d'aujourd'hui peut ainsi apparaître demain comme erronée, tant la complexité des phénomènes naturels est infinie et ne peut être appréhendée que pas à pas. Le scientifique se doit donc de cultiver le doute et de pratiquer le principe de précaution en permanence. Face à cette réalité complexe, le scientifique est, à de rares exceptions près, mal outillé dans la mesure où ses compétences qui justifient d'ailleurs le fait que son avis soit sollicité, sont très souvent limitées à l'un ou l'autre aspect de cette réalité privilégié par le commanditaire. Mais reconnaître ses limites est un exercice difficile qui exige une hauteur de vue moins fréquente qu'on ne le croit chez ceux qu'on respecte et encense.

C'est que le scientifique, quelle que soit sa rigueur, est aussi un homme, avec son éducation, son système de valeurs, ses préjugés et ses faiblesses; il est comme chacun sensible à son environnement . culturel et social, surtout lorsque son expertise peut entraîner, selon qu'elle s'inscrit ou non dans le sens privilégié par le pouvoir, un avantage social voire matériel.

La tentation de cautionner le politique ou, plus prosaïquement, les bailleurs de fonds d'une recherche scientifique de plus en plus coûteuse est très grande. Il est essentiel de prendre conscience en effet, de ce que ce sont les décideurs politiques et économiques qui procurent honneurs et moyens financiers. L'ambigu~té des relations entre le monde politique, les milieux scientifiques et les grands acteurs économiques est aujourd'hui très grande.

Dès lors que les moyens et les orientations mêmes de la recherche sont de plus en plus soumises à une volonté de conquête de marchés et de croissance économique, il est clair que l'indépendance et l'ouverture d'esprit des scientifiques sont soumises à rude épreuve. La tendance à la soumission de la pensée aux forces du marché est de plus en plus clairement affirmée ; elle s'accompagne d'un totalitarisme scientifique qui consiste à exclure toute analyse dissidente, toute voix discordante dès lors qu'elle pourrait menacer les intérêts économiques en jeu.

Les exemples ne manquent pas de controverses scientifiques récentes où le poids des lobbies a fortement retardé voire empêché la compréhension des faits par l'opinion publique:
- alors que de nombreux scientifiques indépendants affirmaient dès les années 60 l'absence de seuil d'innocuité pour les faibles doses de radioactivité, il a fallu attendre 1990 pour que la Commission Internationale de Protection Radiologique admette ce qui était devenu évident depuis de nombreuses années;
- la controverse sur les risques liés à une exposition à l'amiante fut basée sur une distinction reconnue aujourd'hui comme sans fondement entre l'amiante chrysotile et l'amiante amphibole: elle a permis à l'industrie de l'amiante de continuer une activité dont les dégâts pour la santé des personnes continueront à se manifester pendant des décennies.

Dans les deux cas précités, des scientifiques isolés ont dû se battre pendant de longues années, dans des conditions difficiles, face à un establishment arrogant et manipulateur pour que la justesse de leur thèse soit reconnue, pour que le souci de protéger la santé publique l'emporte sur les soi-disant impératifs économiques.

La santé, le bien-être des populations, la qualité des écosystèmes sont souvent sacrifiés sur l'autel d'une vision scientifique étriquée qui ignore les interactions subtiles au sein du monde vivant et sous-estime les effets différés dans le long terme. L'approche systématique, indispensable lorsqu'on aborde des problématiques de société, se heurte régulièrement à une logique industrialiste conceptuellement liée au cartésianisme et à une vision mécanisme du monde.

Dans le domaine de la santé publique, cette logique industrialiste est malheureusement omniprésente. Comment expliquer autrement le manque d'initiatives en matière de compréhension des liens entre la qualité de l'environnement et la santé ? Comment expliquer la fuite en avant dans les technologies curatives, à la fois coûteuses et relativement inefficaces pour lutter contre des fléaux comme le cancer et les autres maladies dites de civilisation ? Pourquoi cet acharnement à traquer le micro-organisme pathogène ou le virus responsable de telle ou telle pathologie et à mettre tout en oeuvre pour le détruire, sans la moindre interrogation sur les conditions qui en ont fait une menace pour la santé publique ?

Le récent lauréat du prix Nobel alternatif, Georges Vithoulkas, récompensé pour ses travaux scientifiques sur l'homéopathie, écrivait dans son dernier ouvrage: "chacun essaie de trouver d'où vient le virus du SIDA et personne ne semble réaliser qu'il pourrait avoir été avec nous de tous temps, la seule différence étant que maintenant les conditions sont remplies pour infecter des millions d'organismes…

La controverse scientifique sur les rôles respectifs du microbe et du terrain date du 19ème siècle. Quoi qu'en disent les tenants du discours dominant, elle n'a rien perdu de son actualité même si la volonté d'étouffer le débat est plus présente que jamais.

Je ne peux m'empêcher d'être effaré du manque total d'ouverture d'esprit qui règne dans les sphères dirigeantes du corps médical lorsqu'on évoque cette problématique. Serait-ce l'accumulation des échecs de la médecine qui crispe à ce point ses grands-prêtres et les empêche d'écouter ce qui va à l'encontre de leurs croyances ?

Le dossier SIDA est, à cet égard, exemplaire. Depuis quelques années, des scientifiques reconnus pour leur compétence remettent en cause l'hypothèse virale. Leurs arguments ne sont ni écoutés ni réfutés, uniquement parce qu'ils heurtent le dogme sur lequel se fondent toutes les politiques de recherche et de prévention. Plutôt que d'argumenter à partir des faits ce qu'on est en droit d'attendre des scientifiques, les tenants du discours officiel rejettent à priori, utilisant en outre une attitude que je considère comme inacceptable, la culpabilisation de toute critique parce que, selon eux, susceptible de mettre en péril la santé publique et les chances de guérison des malades. Ainsi la souffrance humaine est-elle utilisée comme alibi pour légitimer une théorie, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'est pas démontrée, et disqualifier tous ceux qui la mettent en doute.

Or le SIDA est une maladie, ou, plutôt un ensemble de maladies, suffisamment grave pour exiger qu'aucune piste permettant de comprendre le phénomène et de faire les meilleurs choix tant pour prévenir que pour guérir ne soit écartée sans examen sérieux et contradictoire.

Il faut que le débat ait lieu honnêtement sans a priori et dans une totale transparence.

A cet égard, l'ouvrage de Renaud Russeil est particulièrement précieux. A partir d'une documentation extraordinairement fouillée, de références scientifiques incontestables et de témoignages de qualité, il nous révèle la face cachée du SIDA et les enjeux politico-scientifiques d'un dossier passionnant.

Avec une rigueur et une honnêteté intellectuelle qu'il faut saluer, il remet en question les certitudes qui nous sont assénées depuis plus de 10 ans et permet au public francophone d'être acteur du débat. Tous ceux, hommes politiques, acteurs sociaux ou tout simplement citoyens, qui refusent les dogmes et le prêt-à-penser se doivent de lire les pages qui suivent. Ils ne le regretteront pas.

Paul Lannoye
Docteur en Sciences
Vice-président de la Commission Environnement du Parlement Européen.
E-mail: <plannoye@europarl.eu.int>

Enquête sur le SIDA : © Editions Vivez Soleil 1996


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