Le souffle de la vie
Bonjour, Je suis tombée sur "L'Apprenti Sage". J'ai lu l'histoire de Sylvie qui m'a beaucoup touchée et j'ai eu envie de vous écrire et de vous raconter à mon tour mon histoire... A la fin de l'été 1995, je suis tombée amoureuse de Nestor que je connaissais déjà depuis quelques mois. Peu de temps après nos premiers rapports physiques protégés, Nestor m'a annoncé qu'il était séropositif. Et comme j'étais tombée très amoureuse, c'est la force de cet amour qui m'a donné confiance en Nestor et qui m'a fait partager sa vision de la séropositivité qui se rapproche beaucoup de la vôtre et de celle du Dr. Schaller. De plus à la même époque je suivais un cours sur la nourriture et la santé donné par Mara: et comme les choses n'arrivent jamais par hasard, la semaine où Nestor m'annonçait qu'il était séropositif, Mara nous annonçait à son cours qu'être séropositif n'était vraiment pas grave et remettait en question tout l'endoctrinement médiatique et scientifique au sujet du SIDA. Après beaucoup de doute, de peur et de remise en question, grâce au soutien de Mara et la foi de Nestor, je décidais de suivre mon coeur et d'aimer Nestor tel qu'il est: de ne pas le considérer comme un condamné mais comme un homme désirable et plein de vie. Finalement pour moi, c'était plus son histoire et c'était à lui de la gérer. J'avais même réussit à convaincre Nestor que pour moi il n'y avait aucun risque de contamination et d'avoir des rapports non-protégés - vu que les préservatifs et moi cela n'a jamais été le grand amour. Encore une fois , la séropositivité c'était son histoire, et moi j'étais séronégative et sûre de le rester. Régulièrement je faisais le test - toujours négatif. Pour ne pas avoir peur et avoir à prendre parti, j'avais résolu la question en ne me sentant pas vraiment concernée, en laissant le problème à Nestor mais en lui faisant confiance - bien que régulièrement des flips de courte durée me prenaient pendant lesquels Mara s'empressait de me remettre les idées en place. Malgré des calculs très précis (parce que nous sommes contre la pilule) et une contraception "plastique" lors des moments les plus dangereux, je tombais enceinte en avril 1996. Après une grosse surprise, et une longue hésitation nous décidâmes de garder l'enfant. Au sixième mois de grossesse le test se révéla positif, alors que les deux tests précédents avaient été négatifs. Là ce fut un gros choc pour tous les deux. Nestor qui était sûr de ne jamais me contaminer, se sentit très coupable, et moi qui me croyais tellement intouchable et ne pas être concernée par le virus, je tombais des nues. Mais jamais, jamais je n'ai accusé Nestor et remis notre amour en question à cause de la séropositivité; jamais... J'étais complètement paniquée et décontenancée, surtout que pour moi j'étais la seule responsable et j'avais toute seule (inconsciemment peut-être) décidé de devenir séropositive après plus d'une année de rapports non-protégés et sans problèmes. On me proposa alors des trithérapies et l'AZT en me disant qu'une séroconversion en cours de grossesse était ce qui avait le plus de risque de contaminer l'enfant. Je refusais mais pour la première fois, je sentis à quel point la médecine moderne était puissante, et intolérante. Complètement paumée, Mara me soutenait toujours et elle m'introduisit au Dr. Schaller - qui fut un souffle de vie et de paix, comme il est encore chaque fois que je le croise. Grâce à lui, je retrouvais le droit d'être une future maman au même titre qu'une autre femme, et non plus une femme condamnée et irresponsable pour son bébé. Sous son conseil, je pris contact avec une sage-femme et avec une femme médecin, pédiatre - les deux peut-être un peu craintives, mais qui me considéraient quand-même comme une femme normale et vivante. A partir du sixième mois, je (et Nestor de même) commençais à faire du Candida à répétition et régulièrement des poussées d'herpès au niveau des parties génitales. Notre confiance un peu ébranlée, nous décidâmes alors d'utiliser des préservatifs lors de chaque rapport, ce que nous faisons malheureusement encore aujourd'hui. Au huitième mois de grossesse, le bébé se présentait en siège ce qui rendait impossible l'accouchement à domicile. Je me présentais trois semaines avant la date prévue pour l'accouchement à la maternité pour une dernière tentative de conversion de l'enfant. Sans succès. A la fin de la journée, l'hôpital m'annonça que vu mon herpès chronique (je ne donnais aucun signe depuis au moins dix jours), vu ma séropositivité, et vu le siège que présentait l'enfant, il fallait prévoir une césarienne pour la semaine suivante, à moins que l'accouchement ne se déclenche rapidement avant que le bébé prenne une taille trop importante. Ce jour là je sortis de la maternité boulversée et en pleurs; moi qui voulais tellement un accouchement le plus naturel possible, on voulait m'ouvrir le ventre sans aucune raison qui me semblait très valable... Enfin j'imagine que la dernière phrase de l'hôpital n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde vu que deux jours après, j'accouchais d'un petit garçon en siège une belle journée de janvier 1997 par voies normales et sans artifice à la maternité même. L'accouchement lui-même s'est très bien passé et le personnel était très encourageant. Mais du moment que Walter était complètement dehors, on s'empressa de couper le cordon, et de le sortir de la salle d'accouchement sans me le présenter. Moi et Nestor encore sous le choc et l'émotion, nous n'avons pas réagi tout de suite surtout que tout le monde nous répétait: "c'est normal, le petit est examiné". Au bout d'un moment, j'insistais pour que Nestor voie notre petit Walter. Ce qu'il fit. Ce dernier se portait très bien: il devait juste rester sous cloche à oxygène pendant douze heures à cause d'un petit problème respiratoire qui est lié à la position de siège qui compresse les poumons - et qui n'a rien à voir avec la séropositivité comme les pédiatres me l'ont confirmé eux-même. Par contre, une demi-heure après avoir pointé le bout de son nez sur la terre, ils voulaient faire une prise de sang à Walter et une perfusion d'AZT: ce que nous refusâmes catégoriquement. On m'installa dans une chambre isolée avec mes toilettes personnelles pour aucun risque de contamination. Nestor, épuisé, rentra se coucher, et moi je me retrouvais seule dans la chambre. A une heure du matin le chef de la pédiatrie me rendit visite pour essayer de me convaincre de faire une perfusion au petit; je refusais toujours! Il réussit par contre à plus ou moins me persuader de ne pas allaiter l'enfant pour l'instant à cause des risques de contamination. Là encore je me rendis compte de la puissance de la médecine moderne et de son idéologie - surtout quand on est dans l'antre elle-même. Le pédiatre me promis de revenir le lendemain matin avec son supérieur pour discuter avec Nestor et moi. Le jour suivant fut un cauchemar: chaque fois que je me retrouvais seule avec un médecin ou une sage-femme je subissais un lavage de cerveau qui constituait plus au moins à me dire que c'était incompréhensible que je ne veuille pas lui donner de l'AZT et comment je pouvais hésiter à allaiter vu le danger que cela comportait; enfin j'étais considérée comme une mère mauvaise et indigne, et eux m'ont dit textuellement qu'ils essayaient de tout faire pour le bien de l'enfant. Je promis de ne pas allaiter l'enfant - tout en tirant mon lait pour provoquer la montée - et je pus récupérer Walter le samedi après-midi. Mon but était alors de sortir le plus rapidement de l'établissement, épuisée par le harcèlement que je subissais. Je réussis à quitter la maternité le dimanche en fin de journée malgré les petits 2 kilos 350 de Walter. Mais en soi le petit allait bien et ne présentait plus aucun danger. Ils voulaient surtout me garder encore de peur que je mette le petit au sein dès mon retour à la maison. Je promis de ne pas le faire jusqu'au mardi. En effet ils avaient réussi à nous convaincre de lui faire une prise de sang pour déjà contrôler sa séropositivité une première fois - bien que cela puisse changer jusqu'à 18 mois de vie. Ils prétendaient que s'il était déjà séropositif, l'allaitement ne changerait alors pas grande chose. De retour à la maison, ce fut un soulagement et je recommençais à me sentir vivre. Je continuais à stimuler mes seins et la montée de lait tout en lui donnant du lait en poudre; de plus en plus en doute, j'avais très envie d'allaiter et Mara me poussait à le faire. J'appelais alors Dr. Schaller pour lui demander son avis; celui-ci me dit qu'il ne voulait pas faire comme les médecins de la maternité et essayer de me convaincre, d'autant plus que je savais très bien ce que lui pensait. Il me dit de suivre mon coeur. Le mardi matin, je mis Walter pour la première fois au sein et Nestor se rendit seul à la pédiatrie pour leur dire que nous refusions pour l'instant de faire une prise de sang au petit; ils lui ont répondu que c'était notre choix mais que nous avions déjà réduit le risque de survie de Walter à 50%... L'histoire n'est pas finie mais voilà déjà une bonne partie à lire. Laissez-moi pourtant vous rassurer; s'il y a eu encore des batailles après le retour à la maison - et qu'il y en aura sûrement encore dans les années à venir - Walter a maintenant plus de neuf mois et il est beau comme un petit dieu. Et puis dans toute cette histoire, même s'il y a eu des moments très difficiles où je me suis sentie complètement perdue et paumée, cela a été le commencement d'une des plus belles expériences de ma vie, qui continue encore aujourd'hui. Je n'ai aucun regret, au contraire... Grâce à la rencontre avec Nestor et à la séropositivité, j'ai appris à faire mes choix et à m'affirmer; j'ai appris à croire en la vie et en l'amour; j'ai appris que j'avais Nestor et Walter - qu'on était une petite famille - et qu'on était prêts à se battre et à se tenir les coudes; j'ai appris la santé et un mode de vie sous-jacent dans lequel je n'osais pas me lancer; j'ai commencé à ouvrir les portes de la spiritualité et à essayer de faire revivre ma beauté intérieure bien étouffée. J'ai commencé une nouvelle vie à côté de laquelle j'aurais pu passer complètement sans m'en apperçevoir. Et puis aussi j'ai rencontré plein de personnes vraiment formidables. J'ai tout simplement changé de vie où plutot j'ai enfin senti le souffle de la vie... A bientôt. Anne de Genève. (Nous avons changé les noms de la petite famille pour protéger son intimité. Nous transmettrons le courrier si vous avez envie de leur envoyer un mot de soutien.)
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