Sylvie Cantal
Je suis séropositive depuis 1988. Javais 27 ans un enfant de deux ans et demi et vivais avec beaucoup de mal une rupture sentimentale. Jai cherché au départ où javais pu contacter ce virus, mais là nétait pas la réelle question. Je ne parviendrai dailleurs jamais vraiment à le savoir. Cela ne changeait absolument rien au fait que jétais malade parce que jétais malade : javais une thrombopénie à 8 milles plaquettes. Mathématiquement javais pu attraper le virus soit lors dexpérience toxicomaniaque ou par voies sexuelles mais cela ne me suffît pas, je sentais quil y avait dautres facteurs, une faille à lintérieur de moi, je sentais que la maladie nétait pas si innocente que ça. Je ne pouvais pas croire au seul hasard - je sentais une autre explication, à lépoque jécrivais : "un peu comme un châtiment". Je venais de quitter le père de mon fils et javais mal, un mal intérieur qui me rongeait. Ne commençait-elle pas là la maladie ? Jai appelé ça maladie psychologique. Lorsque ce à quoi lon a cru a foiré et quon ne croit plus en rien on se défend par le néant, par la non-vie. Je ne regrette pas ces 4 années passées avec René, elles font parties de MOI, mais je pense que cette énorme souffrance damour que jai vécue est responsable et a engendrée en moi le S.I.D.A. Et pendant que Jean-Jacques Goldman chantait : "Il ny a des douleurs qui ne saignent quà lintérieur", mes plaquettes continuaient de baisser. Lorsque jai appris que jétais séropositive ma première pensée fut que jallais mourir et vite, cest foutu, il ny a plus dissue et bien sûr jai eu peur et jai pleuré. Le monde entier sécroulait autour de moi. Par contre tous les petits problèmes autour de moi se sont effacés : Argent, assurance, loyer, habits, voiture, travail, tout ça nest devenu que banalité. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée libérée, je trouvais les gens futiles, mesquins, jétais passée de lautre côté, je ne faisais plus partie du monde des vivants. Au départ, jen parlai assez facilement avec les gens mais jai vite compris que les gens ne maidaient pas, quils étaient méchants, médisants, méfiants et ils mont fait du mal. Jai même été obligé de changer mon fils décole car cela posait des problèmes aux mamans des autres enfants. Ma maladie est devenue mon secret, ma blessure. Je ne suis tout de même pas seule. Jai un compagnon que jai rencontré huit mois avant mon diagnostic et qui est encore avec moi. Et je suis soutenue par mes parents et mes frères et surs. Mais il faut cibler les personnes à qui le confier. Jétais fragile et très fatiguée, les plaquettes étaient un peu remontées vers 50,000 grâce à la cortisone SOLUPRED, jai une infection pulmonaire avec 3 foyers. Jétais trop faible pour lutter, javais 39,8°, une toux incessante et je me suis fait hospitaliser, jai vite guéri avec des antibiotiques sous perfusions. Peu de temps après on ma proposé de lAZT (Rétrovir) et vu que mes plaquettes avaient recommencé à baisser et mes T4 étaient faibles (300) jai accepté ce traitement. Mais quelque chose en. moi me gênait car grâce à ma mère, jétais un peu anti-médicaments, chez nous on se soignait par le repos, la diète, des infusions, des recettes de grand-mère (collier dail, friction, "Rebouteux ") et malgré la famille de 6 enfants que nous formions je navais pas souvent vu le médecin à la maison. Je pense que grâce à cette enfance très saine jai développé une catégorie de défenses premières très fortes, et cela mévite dattraper des maladies bénignes qui pourraient saggraver vu mon état. Jacceptai très mal ce traitement au rétrovir qui me donnait des crampes, des nausées, des vomissements et qui mobligeait deux fois par jour à me rappeler que jétais malade. Jarrêtais donc tout ça. Le Rétrovir, les inhalations en prévention pour les poumons, les analyses hebdomadaires. Jessayai daméliorer mon hygiène de vie : moins de sorties, moins dalcool, repas réguliers et de me calmer, calmer ma révolte intérieure. Le cannabis sous forme de joints ma beaucoup aidé Mais ma santé se dégrade, mes plaquettes dégringolent (à 3000, 1000, 300) jai des hématomes aux yeux, aux coudes, des infections dentaires à répétitions. Je ne peux pas me faire soigner en cabinet dentaire car aucun chirurgien dentiste ne veut extraire avec un taux de plaquettes si bas. Mon médecin me parle depuis quelque temps dune splénectomie (ablation de la rate) qui pourrait faire remonter les plaquettes. Je navais pas du tout envie de me faire enlever la rate qui me disait-on était saine mais une entorse à la cheville déclencha lopération. Je me retrouve donc à Purpan à Toulouse. Je men remets aux mains de la médecine (splénectomie, extraction de 6 dents, immobilisation de la cheville). Et là au réveil de lopération seule dans ma petite chambre du fond, devant la fenêtre qui donne sur un mur, allongée sur mon lit, je prends la décision de vivre. Cela ma fait comme une révélation : vivre ou ne pas vivre dépendait de moi de ma conviction profonde et je décidais de me prendre en main. Cétait en 1991. De là ma vie se stabilisa un peu mes plaquettes redeviennent normales, je repris Jimmy, mon fils, vivre tous les jours avec moi car je lavais mis en pension dans une école religieuse (Grande section et C.P.) suite à des problèmes que posait mon S.I.D.A. aux mamans de lécole locale. Je nai plus pris de traitement jusquen 1998. Jai toujours vécu dans la nature et ai toujours utilisé des infusions et des plantes, du grand air, dune cueillette de champignons et du cannabis pour me garder en forme. Je me suis documentée sur ce qui était bon pour moi : crudité, poissons, aliments complets, thym, sauge, jus de fruit, huile dolive ... Jai alterné des périodes biens et des périodes dépuisements. Je prends des antibiotiques dès que jai un problème avec fièvre, et je fais régulièrement des analyses pour contrôler les T4 qui oscillent de 500 à 300. Jessaye de me connaître, de comprendre ce qui se passe en moi, de doser mes fatigues. Mon taux de T4 et mon état desprit sont intimement liés, mais je ne sais pas avec conviction lequel affaiblit lautre, qui est la cause ? Qui est leffet ? Je sens que mon état mental agit sur ma santé et je ne peux pas me permettre daller mal, de déprimer je suis obligé daller de lavant, tous les jours est une lutte. Mais dès que je vais mieux et que joublie que "jai le S.I.D.A." il marrive un problème : une bronchite, une allergie, un problème gynécologique, une fracture (le coccyx) pour me rappeler ma fragilité. Parce quil y a quand même une fragilité acquise, un phénomène qui sest passé, peut-être un virus. Même quand je vais bien je ne suis pas à 100%, il y a une perte dénergie, un affaiblissement. Je serais plutôt favorable à lhypothèse dun virus crée par lhomme qui aurait été introduit par le biais de la prostitution et de lhomosexualité lors dexpérience scientifique sur des prisonniers en Californie. Lapparition de la maladie pourrait correspondre à lépoque des premières manipulations génétiques. On ne le saura pas mais cest tout de même une belle saleté. Il y a quelque chose qui maffaiblit. Puis en 1998, changeant de situation sociale, je voulus récupérer mon pension dinvalidité qui mavait été retiré et que javais perdu en prenant une activité libérale : la gérance dun bar. Jétais fatiguée et voulais me reposer un temps. Je reprenais contact avec mon médecin qui, vu les progrès de ces dernières années me proposa 2 anti-viraux (ZERIT - EPIVIR). Jétais en pleine mutation et acceptais de démarrer ce traitement qui, jespérais allait me redonner la pêche. Cela prouvait à la Sécurité Sociale que jétais bien malade et que ma pension était justifiée. Quelques mois plus tard, ne pouvant me contenter du montant de ma pension (3,200F) pour élever mon fils je retrouvais un emploi dinfirmière psychiatrique à mi-temps qui était mon travail de départ. Lors de la visite à la médecine du travail, mon cas posait bien sûr un problème. Jinsistai sur limportance quavait pour moi la reprise du travail dans ce métier. Jallais retrouver ma place dans la société. Laccord me fut donné pour une mi-temps sous condition dun suivi médical tous les 3 mois et dune prise des traitements réguliers. Et voilà jen suis là, cela fait maintenant plus de 2 ans que je travaille et depuis 9 mois mon médecin a ajouté une autre catégorie de médicaments (du VIRACEPT) pour traiter par trithérapie. Tout le monde est content et moi javale 15 comprimés par jour. De plus depuis 1993 on a décelé une Hépatite C (peut-être transmise lors de la splénectomie par les gammaglobulines quon ma injectées avant). Ce problème aujourdhui me pose plus de problèmes et plus de tracas pour lavenir que ma séropositivité et jai le sentiment que ces comprimés abîment mon foie. Mon médecin me parle dun traitement à l'Interferon avec beaucoup deffets secondaires. Lannée 2001 commence et jai plein de projets pour mon avenir. Le diagnostic de "S.I.D.A." me faisait accepter les périodes dasthénies comme une fatalité et me confirmait lidée de ne pas trop me projeter dans lavenir. Que de temps perdu, déjà 12 ans se sont écoulés, jai quarante ans, je vis encore il est temps de me bouger et de croire en ma force. Mon fils va avoir 16 ans, il va bien, il est étudiant. Jai entrepris une formation de sophrologie qui complète mon diplôme dinfirmière psychiatrique et jai le sentiment darriver à trouver dans moi les armes pour me soigner ou du moins "rester en forme". La lecture de vos fascicules me donne la force darrêter les traitements. Je me sens bien seule face à cette décision. Cest sûr, ma charge virale est devenue indétectable et mes traitements sont à 500 mais jai le VGM augmenté à cause de lAZT, les cosinophiles trop bas et les TGO et TGP très hauts. Je narrive pas à accepter ces médicaments quil me faut prendre 5 fois par jour, jai le sentiment davoir une vie artificielle et cela naurait pas pu durer éternellement. Moi non plus dailleurs ! Jai besoin davoir toute mon énergie car je veux ouvrir chez moi un cabinet de sophrologie. Je vais tout mettre en uvre pour y arriver. Lavenir souvre enfin devant moi. Les 20 premières années de ma vie, ce sont mes parents qui les ont faites, les 20 suivantes, jai laissé faire la vie et le diagnostic " S.I.D.A." mais les 20 années qui arrivent cest moi qui vais les faire. Sylvie Cantal. 04 71 49 16 27. Lettre reçue avec ce témoignage (15/1/2001) : Cest avec beaucoup dintérêt que jai lu votre brochure : "SIDA, des clefs pour sen sortir vivant". Je suis contente davoir lu des explications que je pré-pensais depuis longtemps. Il est vrai que les médecins nous maintiennent dans le système des médicaments. Suite à ma lecture, jai pris la décision darrêter tout traitement. Je pense que je vais avoir des problèmes avec la médecine de travail qui avait accepté de ma laisser ce poste sous condition dun suivi médical. Je vous tiendrai au courant et peut-être vous demanderai-je un soutien à ce moment-là. Actuellement je me suis mise en contact avec un sophro-digitopuncteur sur ma région qui va maider à re-dynamiser mes énergies. Je continue ma formation de sophrologie et espère pouvoir exercer à la fin de lannée 2001. Les divers témoignages mont donné lenvie décrire le mien ( ) Voilà, je vous remercie pour toutes les informations que vous mapportez.
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