Tanzanie, région de la Kagera, épicentre du
SIDA il y a 15 ans :
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Résumé
En Tanzanie, la population de la région de la Kagera,
épicentre du SIDA il y a 15 ans, n’a cessé de croître :
+53% entre 1988 et 2002.
La catastrophe démographique annoncée à
cause de l’ « épidémie meurtrière
de VIH » n’a pas eu lieu, alors qu’aucune mesure antivirale
concrète n’a été prise dans la région. Seules
explications : l’amélioration des conditions économiques
et l’aide au développement. Un exemple de développement
global : l’ONG Partage Tanzanie.
Alors que les experts et leurs statistiques font croire à
une épidémie VIH/SIDA gravissime, on n’observe sur le terrain
aucune trace d’épidémie, mais seulement une population très
pauvre et mal nourrie, souffrant de paludisme, d’immunodéficience
endémique et de pathologies communes.
Les tests dits VIH ne sont pas spécifiques, les résultats
positifs sont trompeurs et font faussement croire à une épidémie
virale.
Le bon sens et la raison scientifique commandent de les abandonner
et de revenir à l’objectivité du diagnostic clinique et
au traitement des maladies cliniquement visibles, toutes connues depuis longtemps.
Les faits montrent avec la plus grande évidence que l’endémie
africaine d’immunodéficience n’a rien à voir avec
un prétendu VIH mais est le résultat de la malnutrition.
La priorité d’une aide efficace pour l’Afrique
c’est l’éradication de la trop grande pauvreté.
Cet été j’ai eu l’occasion de séjourner
2,5 mois dans la région de la Kagera en Tanzanie. Avec le district de
Rakai en Ouganda cette région était considérée il
y a 15 ans comme l’épicentre du SIDA en Afrique.
J’étais basé en ville, à Bukoba, mais
j’ai beaucoup tourné en brousse, circulant et parfois logeant dans
les 21 villages du district rural de Bukoba couverts par l’ONG française
Partage-Tanzanie, une zone regroupant environ 70.000 habitants.
Partage-Tanzanie a mis sur pied en 1989 un programme d’aide
global au développement, le Victoria Programme, centré sur les
orphelins et leur famille. Ce programme débuta au moment où la
région était véritablement sinistrée : résultat,
entre autres, de la situation économique catastrophique de la Tanzanie
depuis la fin des années 70, résultat aussi de la guerre de 1979
contre l’Ouganda d’Idi Amin Dada, qui avait ravagé la région.
Dans les années 80, Bukoba était une ville fantôme
qui manquait de tout, où les allumettes et le savon devaient s’acheter
en contrebande…Dans les zones rurales c’était la misère
noire, l’alimentation tout à fait déficiente, l’aide
sanitaire et médicale absente, le taux de mortalité très
élevé. Dans la zone frontalière avec l’Ouganda il
y avait un marché de contrebande très actif et ce n’étaient
pas seulement des produits de première nécessité qui faisaient
l’objet d’un trafic. La drogue circulait, l’alcool aussi (alcool
artisanal, véritable poison à cause du méthanol qu’il
contient), et les jeunes contrebandiers en étaient les premiers consommateurs
et les premières victimes.
En 1985, les tout nouveaux tests « VIH »
détectèrent les premiers séropositifs justement dans cette
région frontalière. Et du jour au lendemain la misère économique,
nutritionnelle et sanitaire fut considérée comme une maladie épidémique
virale nouvelle. Cette région des grands lacs fut promise par les experts
à une décimation prochaine si on ne combattait pas énergiquement
ce nouveau virus mortel.
Après 15 ans nous pouvons faire un certain bilan en confrontant
les prédictions avec les faits.
Voici les résultats des recensements officiels de population
pour la Tanzanie et pour la Kagera.
(Pour la Tanzanie une courbe ascendante régulière
de 1967 à 2002, avec une croissance de 49% entre 1988 et 2002.
Aucune chute de population. Pour la Kagera, même courbe ascendante
et 53% de croissance entre 1988 et 2002).
Voici aussi deux graphiques montrant des statistiques de natalité
et mortalité faites depuis 1993 par Partage-Tanzanie et couvrant la population
de 15 villages dans le district rural de Bukoba, environ 30.000 habitants.
(Tendance franche à la hausse pour la natalité)
(Tendance à la baisse pour la mortalité)
10 ans et 30.000 habitants c’est court et trop limité
pour interpréter des données démographiques, et je vous
présente ces deux graphiques à titre indicatif seulement. Ils
me semblent intéressants car ils illustrent l’évolution
d’une population vivant à l’épicentre du SIDA et pendant
la période la plus critique où l’épidémie
était censée décimer la population.
La catastrophe
démographique n’a donc pas eu lieu et
l’épidémie dite la plus meurtrière de
l’histoire s’est montrée singulièrement
bénigne dans ses effets.
Des mesures sanitaires extraordinaires ont-elle été
prises pour empêcher la dépopulation annoncée ?
Il y a eu, et il y a encore, de la publicité pour les
préservatifs, beaucoup d’articles dans les journaux sur le SIDA,
le « VIH » et la menace épidémique, beaucoup
de paroles dans les réunions et discours officiels. Comme seule mesure
sanitaire concrète , un des 5 centres SIDA pour la Tanzanie se trouve
à Bukoba, à l’hôpital régional. C’est
l’ONG Médecins du Monde qui est en charge du programme de tests,
du suivi des séropositifs, de la promotion des préservatifs et,
depuis 1998, on donne de l’AZT aux femmes enceintes séropositives
dans le but de prévenir ce qu’on appelle la « transmission
de la mère à l’enfant ». Une action assez ponctuelle
qui atteint les femmes enceintes qui fréquentent l’hôpital
de Bukoba.
En dehors de Bukoba, dans les zones rurales de la Kagera il
n’y a eu pratiquement aucune action sanitaire préventive ou curative
antivirale. Seules l’amélioration progressive de la situation économique
et l’aide au développement peuvent expliquer que la population
a repris pied après le désastre des années 80.
Je peux vous parler en particulier de l’aide apportée
par Partage-Tanzanie. Son programme global qui occupe quelques 300 salariés
comporte des centres de jour pour orphelins, des dispensaires s’occupant
de nutrition et de soins de santé, des jardins d’enfants, des formations
ménagères et professionnelles, la réhabilitation de maisons
et des cultures, l’aménagement de points d’eau potable, etc…
Pendant les premières années, des tests « VIH »
furent pratiqués mais ce fut pour constater que les enfants malades guérissaient
indistinctement, qu’ils soient séropositifs ou séronégatifs,
s’ils étaient correctement pris en charge au point de vue nutritionnel
et médical. Les tests s’avéraient donc sans aucun intérêt
pratique et furent abandonnés, de même que la notion de nouvelle
maladie épidémique. En cas d’immunodéficience grave,
on traite les maladies opportunistes, les diverses infections, les malarias,
les troubles digestifs, et on remonte l’immunité par une alimentation
équilibrée et des compléments vitaminiques.
Les résultats se sont avérés excellents :
parmi les 4000 orphelins de Partage-Tanzanie, la mortalité est environ
le tiers de la mortalité infantile nationale et le quart de la mortalité
infantile régionale.
Voici d’autre part quelques constatations que j’ai
pu faire personnellement au cours de mon séjour :
* La santé générale des orphelins de Partage-Tanzanie
est très satisfaisante.
(Une photo d'écoliers prise au cours de la pause
de midi. Vous voyez qu'ils n'ont pas l'air trop malheureux !)
Les enfants sont bien nourris et les pathologies sont banales
en général. Parmi ces 4000 enfants, une bonne vingtaine (0,5 à
0,6%) souffrent de déficience immunitaire manifeste et chronique ;
ces enfants ont eu un début de vie marqué par une très
grave sous-alimentation. Ils auraient pu en mourir. Ce sont des rescapés
qui ont une croissance difficile et resteront sans doute fragiles toute leur
vie. Ils sont sujets à des infections respiratoires, ORL, digestives
ou cutanées répétées, et ils sont l’objet
d’une attention particulière.
*En-dehors des centres Partage-Tanzanie, j’ai pu constater
que la population rurale avait une alimentation très déséquilibrée :
assez de calories mais beaucoup trop de féculents et peu d’aliments
riches en protéines, vitamines et minéraux. Ces éléments
nutritifs indispensables à la croissance et au bon fonctionnement de
l’organisme sont habituellement très insuffisants . Cela m’a
fait comprendre pourquoi la santé et l’immunité sont particulièrement
précaires chez les jeunes enfants et chez les adultes actifs, pourquoi
aussi les femmes sont si souvent épuisées, organiquement, après
plusieurs grossesses et allaitements.
Pour les médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, pour
les gens qui travaillent ou enquêtent sur le terrain et que j’ai
pu rencontrer et interroger, il est évident que la grande pauvreté
et la malnutrition sont à la base de tous les problèmes de santé,
y compris les graves immunodéficiences.
Après la malnutrition, la malaria est le problème
majeur, responsable d’un tiers de la mortalité générale
et de plus de deux tiers de la mortalité parmi les enfants de moins de
5 ans (malaria cérébrale, anémies très graves le
plus souvent).
*À l’hôpital de Bukoba, que j’ai pu
entièrement visiter, seule la salle réservée aux enfants
est surpeuplée : 60 lits pour environ 80 enfants (cela peut monter
jusqu’à 150), des enfants de moins de 5 ans pour la plupart, essentiellement
des malarias sévères, de graves anémies et des pneumonies,
presque toujours sur fond de malnutrition.
Par contre, dans la salle réservée aux cas de tuberculose
et de SIDA, on ne se bouscule (heureusement) pas. Une partie des lits sont inoccupés.
Spontanément l’infirmière me disait que les problèmes
de base de ces grands malades était le statut socioéconomique
très bas, la sous alimentation, l’alcoolisme.
Donc depuis plus de 15 ans les médias, tant scientifiques
et médicaux que grand public, n’ont cessé de présenter
l’Afrique comme le continent victime d’une nouvelle infection mortelle
sexuellement transmissible et promis au plus sombre avenir ; or pendant
cette même période la population qui était dans l’œil
du cyclone et qui n’a reçu aucun traitement spécifique a
continué de s’accroître comme avant.
La communauté internationale est alertée et mobilisée
pour combattre une nouvelle épidémie virale gravissime, tandis
que sur le terrain on ne voit pas trace d’épidémie. Ce qu’on
observe, c’est une population très pauvre, mal nourrie et impaludée,
souffrant de pathologies communes sur fond d’immunodéficience endémique
plus ou moins grave.
D’où vient cette discordance entre les informations
que nous recevons et la réalité ? Entre le discours scientifique
et les faits ?
Tout simplement du fait que les experts internationaux n’observent
pas la même chose que les acteurs de terrain : les uns (les experts)
s’intéressent aux résultats de tests « VIH »
c-à-d à l’épidémiologie sérologique,
tandis que les autres sont concernés par les malades et les maladies,
c-à-d par l’épidémiologie clinique. Ce n’est
pas du tout la même chose. Voyons un peu pourquoi.
L’épidémie dont parlent nos journaux est
le produit des estimations de l’OMS et repose sur les résultats
de tests sérologiques antigènes-anticorps (AG-AC), ce qu’on
appelle les tests « VIH ».
Or, que signifie en Afrique un tel test « VIH »
positif ?
(Ce n’est pas le moment d’aborder la critique fondamentale
du test, en l’occurrence le problème d’isolement du VIH :
ce point sera traité cette après-midi).
Considérons seulement un fait scientifique bien connu :
par le jeu des réactions croisées, l’AG d’un test
peut réagir avec des AC autres que ceux qui lui sont spécifiques.
(L’AGx qui a causé l’apparition
d’AC anti x réagira avec ces derniers si un test les met
en présence. De même pour l’AG y et les AC anti y.
Mais il peut se faire que l’AG x réagisse avec les AC anti
y, ou d’autres AC encore. Et inversement).
Dès 1985, depuis le début des tests « VIH »
il a été démontré que ces tests pouvaient, entre
autres, être positifs en cas de tuberculose, de lèpre, de malaria,
de certaines vaccinations ou maladies virales, après des transfusions
sanguines et même chez des femmes enceintes multipares non malades.
Or, en Afrique, la multiparité est la règle (en
Tanzanie, par exemple, le nombre moyen de grossesses par femme tourne autour
de 5), la tuberculose et d’autres infections y sont endémiques,
la malaria est omniprésente, etc…C’est dire la fréquence
des réactions croisées possibles.
Donc un test positif, surtout en Afrique, n’est pas signe
d’une infection virale spécifique. Ces tests, dits « VIH »,
induisent en erreur car les résultats positifs donnent l’illusion
d’un diagnostic précis. Ils sont aussi dangereux car ils provoquent
panique et désespoir, ils orientent vers des médications anti-virales
toxiques et détournent l’attention des sources réelles des
déficiences immunitaires.
E t pourtant , ce sont ces résultats trompeurs qui alimentent
les statistiques officielles et font croire, aux experts en premier lieu, aux
scientifiques, aux médecins, aux journalistes, et finalement à
tout le monde …que l’Afrique est ravagée par une infection
virale spécifique, appelée « VIH/SIDA » !
On parle d’épidémie de « VIH/SIDA »,
mais la seule chose qui peut apparaître comme une épidémie,
c’est ce que j’appellerais l’ « épidémie
de tests », une épidémie artificielle, activement entretenue !
Pour
celui qui travaille sur le terrain, il n’y a pas d’épidémie
« VIH », il y a une endémie d’immunodéficience,
qui a sans doute toujours existé en Afrique, avec des hauts et des bas
dépendant des conditions de vie et de nutrition. Par suite de conditions
de vie catastrophiques, cette endémie s’est fortement aggravée
dans la Kagera au cours des années 80, au pont d’être parfois
mortelle et de prendre des allures épidémiques. Ce qu’on
a appelé alors SIDA. Aujourd’hui, pour celui qui est sur le terrain,
le médecin, l’infirmière, il y a des malades immunodéprimés
souffrant d’affections bien connues depuis longtemps et curables le plus
souvent par des soins appropriés.
Que peut-on conclure ?
Je crois que les conclusions s’imposent d’elles-mêmes.
Continuer à tester est déraisonnable et même
nuisible. Ce n’est ni scientifiquement ni médicalement justifiable.
La seule attitude raisonnable c’est de revenir à
la simplicité et à l’objectivité de la clinique,
de diagnostiquer et traiter les maladies cliniquement visibles.
En cas de SIDA clinique, il faut pour chaque malade détecter
les causes de son état, rechercher systématiquement les carences
nutritionnelles, les infections et les intoxications possibles (par exemple
l’ intoxication éthylique-méthylique), il faut arriver à
déterminer avec certitude et précision tous les facteurs
immunosuppresseurs en cause.
Des fonds devraient être attribués pour permettre
de réaliser à grande échelle ce genre d’étude
clinique et d’arriver ainsi à des conclusions scientifiques sûres.
Quant à la solution de fond aux problèmes endémiques
d’immunité, dans la Kagera et je crois qu’on peut dire plus
généralement en Afrique, elle n’est pas du ressort de la
médecine. La solution passe nécessairement par l’éradication
de la trop grande pauvreté et dépend donc de mesures socio-économiques
et de choix politiques nouveaux, donnant la priorité absolue à
l’amélioration des conditions d’existence.
Tout un programme pour les gouvernement africains, pour la communauté
internationale en général, et pour tout ceux qui ont le souci
d’aider l’Afrique.
Les populations africaines ont besoin d’eau potable et
de soins médicaux de base. Elles ont besoin d’actions efficaces
contre le paludisme. Mais avant toute chose elles ont besoin d’être
moins pauvres et d’être éduquées afin d’avoir
les moyens d’améliorer leurs conditions de vie et d’alimentation.
Voilà les vraies priorités.
Dire que la priorité et l’urgence humanitaire ce
sont la lutte contre le « VIH » et la possibilité
pour ces pays d’acheter des antiviraux bon marché c’est aussi
irrationnel que de dire à quelqu’un gravement carencé en
vitamine C : « Monsieur, je vois que vous souffrez du scorbut.
Achetez donc des antibiotiques et des préservatifs. »…
Si notre souci est la santé des populations africaines,
alors il est urgent de changer de discours. Le simple bon sens autant que la
raison scientifique le commandent impérieusement.
Dr Marc Deru, 8 décembre 2003, Parlement Européen,
Bruxelles
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