Sonny Suarez

 

En août 1987 j'ai été diagnostiqué séropositif. L'attitude du médecin envers moi a été de me dire que j'avais 33% de chances de vivre. Tout de suite après être sorti de son cabinet, j'ai reçu un message de mon inconscient; une voix me disait: "Comment peux-tu croire que tu vas confier ta vie aux médecins, à la science, et la laisser dépendre seulement d'une pilule ou de démarches scientifiques, alors que tu es fait à mon image; tu as un esprit, tu as le pouvoir en toi." Au début je ne comprenais pas du tout, je croyais que c'était un caprice pour m'évader de la réalité.

Puis le temps a passé; je me suis trouvé dans une situation dont j'ai pu voir les deux extrêmes: je voyais des gens qui décidaient de mourir et des gens qui décidaient de vivre; et c'était à moi de choisir. Nous étions trois bons amis dans la même situation en même temps: David, qui a eu un cancer de la lymphe, et est magnifiquement franchi ce cap, il a été opéré et ne prend plus de médicaments; Raoul, qui a choisi de partir. D'autres amis dans le même cas que moi se détérioraient. Ils étaient conditionnés à mourir parce que c'était ce qu'on leur avait appris. C'était à moi de voir et de choisir.

Pendant tout ce temps, je marchais sur des oeufs, parce que je ne voulais pas faire de mal à l'univers; je sentais qu'à un moment ou un autre j'allais être puni. Puni pour quelque chose dont je ne me sentais pas coupable, mais dont la punition était: vous avez 33% de chances de vivre. Dans cette attente, j'ai fait des démarches au niveau alimentation (j'ai pratiqué la macrobiotique), méditation et prière. Ma prière, ce n'était pas d'aller à l'église, bien que je sois allé aussi à toutes les messes qui avaient lieu dans mon village; ce que j'ai réellement trouvé, c'est la communication intérieure avec moi-même et l'univers. Je me racontais que je n'étais pas seul. En décembre 1987, je suis allé avec un ami chez le médecin pour faire des analyses. Les analyses sont revenues négatives; c'était donc quatre mois après le premier diagnostic de séropositivité.

J'ai appris à vivre dans le temps présent, à ne pas laisser ma conscience être envahie par mes pensées et les conclusions qui n'étaient pas les miennes au sujet de ma mort. Je me suis isolé complètement, j'ai vécu toute cette période en silence, dans une île de Floride où j'avais la chance d'avoir une maison face à la mer. J'ai développé une faim spirituelle, une faim de toucher ce grand pouvoir que l'on trouve quand on veut le trouver, quand on est prêt. J'ai beaucoup ri, beaucoup pleuré et, au milieu de tous ces extrêmes, je suis arrivé au silence, à la compréhension; chaque fois que je méditais, au lieu d'essayer de résoudre mes problèmes avec mes pensées, je faisais le silence, et je me suis aperçu, après quelque temps, que des messages me parvenaient de mon subconscient. Je crois qu'en écoutant ces messages positifs on peut arriver à très bien choisir, à faire des démarches incroyables en nous-mêmes, parce que c'est en nous-mêmes que tout se passe.

Je peux vous raconter une anecdote que j'ai vécue. J'avais décidé de faire un jeûne d'une journée et, le lendemain, j'ai commençé à prier et à méditer. J'ai passé plus de 48 heures assis avec moi-même, dans le silence; j'étais dans une grande paix spirituelle. Deux jours après, vers 8 ou 9 heures, je suis rentré dans ma chambre pour dormir, et j'ai dormi très longtemps. Quand je me suis levé, j'ai vu sur moi une lumière douce qui entourait tout mon corps; je me sentais léger comme une plume. Il s'est passé quelque chose en moi: j'ai pris conscience que j'étais guéri, que j'étais déjà libre de beaucoup de ressentiment; je n'étais plus attaché à mon passé, mais j'étais là, comme si j'avais franchi une barrière. A partir de ce jour je sus que j'étais guéri.
Je suis ensuite parti en Amérique du Sud faire un contrôle médical. Le 17 ou 18 février 1988, après deux jours d'analyses (y compris de médecine nucléaire), j'ai reçu mes résultats: toutes les analyses étaient négatives. Puis je suis allé au Vénézuela régler des différends entre mon père et moi - j'avais été un enfant battu - et j'ai appris à lui pardonner. La joie de recevoir mes résultats négatifs, la joie de pouvoir pardonner, la joie que j'ai donnée à mon père, c'est la vraie joie, c'est la vraie liberté.

Je pourrais dire que ma vie, par rapport à mon comportement d'avant, a fait un tour complet, un retournement total. J'ai appris à vivre dans le moment présent, et non dans les histoires du passé ou du futur. J'ai appris à vivre dans la lumière, à vivre et à comprendre les messages de tous les jours qu'il y a dans la nature, dans chaque chose. J'ai compris que si pour une raison ou une autre un être humain est méchant, ce n'est pas parce qu'il veut l'être, c'est parce que lui aussi est mal dans sa peau, et qu'il a besoin d'amour. J'ai commencé à voir que les autres ont besoin d'amour, tout comme moi j'en ai besoin; je ressentais de l'amour pour moi et pour les autres. Cela a rendu ma vie beaucoup plus facile, beaucoup plus compréhensive. Pour moi c'était tous les jours un cadeau et, maintenant encore, c'est chaque jour un cadeau. J'apprécie tout, tout. Avant, la moindre chose, j'avais toujours peur de la perdre, rien ne me remplissait, et maintenant c'est tout le contraire.

Même si j'étais resté séropositif, je crois que la compréhension que j'avais acquise durant cette période m'aurait évité de mourir; j'avais compris que c'était un choix, le choix de chacun, mourir ou vivre. Moi j'ai eu ce choix, et nous sommes tous capables de le faire. Je crois que ces démarches de vouloir et de pouvoir comprendre sont en quelque sorte la libération des tabous acquis depuis l'enfance et des limitations qui nous sont données.

Je comprends très bien maintenant que, vu la situation actuelle du monde, les scientifiques aient besoin de créer quelque chose pour attirer l'attention des gens. Je crois aussi que s'il doit y avoir une guerre sur cette planète, ce sera la guerre par la peur. Beaucoup de gens ont du pouvoir sur cette planète, et s'ils ne connaissent rien de mieux que la peur pour manipuler les gens, ça marchera. Si on ne peut pas tirer avec des pistolets et des carabines parce que ce n'est pas tout à fait légal, on peut toujours créer un équilibre tel que les faibles partent et les forts restent.

Je pense qu'après la mort, on arrive à un état de lumière; je ne l'ai pas encore connu, mais je suis certain qu'il existe et que c'est encore la vie; je pense qu'on laisse ces vêtements qu'on appelle chair et qu'on continue, parce que toutes ces richesses, toutes ces surprises, ces miracles qui nous arrivent quand on est là, toutes ces choses qu'on apprend, où iraient-elles? Toutes ces connaissances, où iraient-elles? Elles ne peuvent pas se perdre, car elles sont énergie, et l'énergie retourne à sa source.

Je suis persuadé que les changements que nous sommes en train de vivre sur cette planète sont tout à fait positifs, parce qu'ils vont nous amener à voir les choses plus du point de vue de notre essence spirituelle que d'un point de vue matériel.

Extrait de Sida Espoir des Éditions Vivez Soleil.1989.


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