HIV et lait maternel : faits et mythes
Infectious HIV in breast milk : fact or fantasy ? D Crowe.
« La crainte de la transmission verticale du VIH représente la plus grande menace pour lallaitement dans les pays en voie de développement, où un nombre important de femmes sont séropositives pour le VIH. » Pendant cette conférence, lauteur a fait le point sur nos connaissances en matière de présence de VIH infectieux dans le lait humain. Définitions Spécificité : concerne le pourcentage de gens non contaminés dont le test est négatif. Sensibilité : concerne le pourcentage de personnes contaminées dont le test est positif. Reproductibilité : capacité des tests à donner le même résultat chez la même personne lorsque les tests sont effectués par différents laboratoires, différentes personnes ; caractéristique distincte de la spécificité et de la sensibilité. Etalon or : utilisé pour ´ tester les tests ª car la présence du germe pathogène est démontrée et indiscutable. Condition rare et problème quelle soulève : si un test est spécifique à 99% (cest-à-dire quil est faussement positif chez 1% des personnes testées), et quil est utilisé en routine dans une population ou seulement 1 des personnes sont contaminées, cela implique que 9 résultats positifs sur 10 seront faux. Les anticorps Un anticorps est une protéine fabriquée par notre organisme, et qui réagit avec une protéine du germe pathogène (antigène). Les anticorps sont détectés à partir du sérum prélevé chez la personne à tester, en le mettant en contact avec les antigènes du VIH (test ELISA ou Western Blot). Les anticorps de la mère sont transmis à lenfant pendant lallaitement. Les anticorps signalent quil y a eu exposition à un germe, ils ne signifient pas quil y a une infection active en cours. Par ailleurs, les anticorps peuvent présenter des réactions croisées avec des antigènes provenant dautres germes pathogènes, ou dans des conditions telles que les réactions auto-immunes. Des tests non spécifiques :
Les anticorps anti-VIH et le lait maternel Les anticorps du lait proviennent de la mère, et sont aussi transmis à lenfant pendant la grossesse, et perdurent chez lui pendant des mois. Ces anticorps ne peuvent pas être considérés comme un signe dinfection. La présomption selon laquelle les anticorps retrouvés chez lenfant à 9, 12, 15 ou 18 mois sont le reflet dune infection active est couramment admise, mais nest pas du tout démontrée. Le fait que de nombreuses personnes atteintes de SIDA aient des anticorps qui se ressemblent ne signifie pas que ces anticorps sont en relation avec la présence dun virus actif, et pas davantage que ce virus est la cause du SIDA. Le fait de vouloir confirmer des tests ´ simples ª comme le test ELISA par des tests plus ´ complexes ª nest quune façon de tourner en rond. La présence danticorps nest pas un indicateur fiable de la présence du VIH dans le lait maternel. Les antigènes Un antigène est une protéine qui, dans le cas du VIH, est censée appartenir au virus. Les antigènes sont détectés par réaction avec des anticorps (habituellement le p24). Mais les antigènes peuvent réagir avec divers anticorps. Les tests de recherche des antigènes détectent des sites antigéniques, qui ne sont pas nécessairement des virus infectieux. Ils sont plus fiables que les tests fondés sur la détection des anticorps, mais ils sont actuellement beaucoup moins utilisés que ces derniers. Les problèmes :
Les tests de détection des antigènes ne permettent pas de faire la distinction entre un virus infectieux et un fragment viral non infectieux, ni de distinguer une fausse réaction dune réaction spécifique. Leur résultat ne présente aucune fiabilité. Ils ne permettent pas de démontrer la présence de VIH infectieux dans le lait humain. La PCR (Polymerase Chain Reaction) Elle est utilisée pour détecter le matériel génétique contenu dans le VIH, et donc le nombre de virus présents dans léchantillon étudié. La ´ charge virale ª est le terme utilisé pour un nombre dérivé de calculs effectués à laide de la PCR. Mais cette réaction multiplie sans distinction les particules infectieuses et non infectieuses. Dans lensemble, la presque totalité des particules obtenues par PCR (par exemple 59.999 sur 60.000) sont de lARN non infectieux (il est impossible de le cultiver). Les problèmes :
La co-culture Les virus ne peuvent se multiplier seuls. Ils sont donc cultivés sur des cultures de cellules quils infectent. Les cellules utilisées sont en général des cellules cancéreuses appartenant à une lignée ´ immortelle ª, sur lesquelles on verse le sérum à tester non purifié, ainsi que divers produits chimiques ´ stimulants ª. On détecte ensuite dans cette culture la présence dun phénomène non spécifique, lactivité de la transcriptase réverse, ainsi que lantigène p24, les anticorps, les particules susceptibles davoir la taille dun virus, etc. Cette technique, souvent appelé ´ culture ª (erreur minime de dénomination) est aussi souvent appelée ´ isolation ª, ce qui est une grave erreur. Elle est aussi considérée comme létalon or disponible pour les recherches sur le VIH. Les problèmes :
Afin dobtenir des résultats fiables, la co-culture devrait être effectuée à partir de particules virales purifiées ; ce nest pas le cas actuellement. On devrait retrouver après incubation une plus grande quantité de virus que ce qui a été mis en culture au départ ; ce nest pas le cas. Les produits utilisés pour stimuler les cellules cultivées peuvent activer la réplication des rétrovirus humains endogènes, qui agiront ensuite comme des rétrovirus exogènes. En conclusion, les co-cultures telles quelles sont effectuées actuellement ne peuvent pas être considérées comme un standard de référence ; pour ce faire, une technique plus rigoureuse devrait être utilisée. Purification et isolation du VIH De nombreux articles ont clamé que le VIH avait été ´ isolé ª à partir du lait maternel et dautres fluides, mais en fait le virus na jamais été purifié et séparé des autres constituants présents dans les cultures.
La décision prise par le CDC et les autres organisations de déconseiller lallaitement aux mères séropositives se fonde sur 2 études :
Données épidémiologiques En faveur dune transmission par le biais de lallaitement : la transmission post-natale, et la prévalence plus élevée de la transmission verticale lorsque la mère allaite. Facteurs à considérer : la pratique dallaitement (allaitement exclusif), et la prise en compte du rapport risques/avantages. La transmission post-natale Mère transfusée à loccasion de la naissance ou après celle ci, bébé diagnostiqué ensuite comme séropositif. Mais la plupart du temps, le statut de la mère pour le VIH avant la transfusion était inconnu, ainsi que la présence éventuelle du VIH dans le sang et le lait. Il ny a eu aucun groupe témoin (mères ayant vécu les mêmes circonstances qui nont pas allaité), et bien sûr il ny a aucune publication sur des cas similaires où il ny a pas eu de contamination par le VIH. Par ailleurs, cela représente très peu de cas liés à des circonstances très particulières (Ziegler, 1985, Lepage, 1987, Weinbreck, 1988, Colebunders, 1988, Stiehm, 1991). Même si les faux positifs aux tests de dépistage du VIH étaient très rares, ils pourraient être à lorigine de ce petit nombre de cas. La prévalence plus élevée de transmission verticale lorsque la mère allaite. Les études évaluant la transmission verticale comparent des bébés nés de mères séropositives qui allaitent ou qui donnent un lait industriel. La prévalence plus importante de contamination chez les enfants allaités est présumée être causée par lallaitement et non corrélée à des différences entre les groupes. Or, il y a des erreurs de randomisation (Nduati, 2000), qui constituent des biais. Dunn (1992) a analysé 6 études, et estimé le risque supplémentaire lié à lallaitement à 14%. Mais dautres analyses des mêmes études ont donné des estimations de 9, 11, 16 ou 18%, en raison du faible nombre de mères séropositives pour le VIH qui allaitaient, et des importantes différences entre les études. Par ailleurs, aucune définition nest en général donnée pour lallaitement, en particulier pour sa durée et sa nature (exclusif ou partiel). Or, Coutsoudis (2001) a constaté que la prévalence de la transmisison verticale du VIH était similaire chez des enfants exclusivement allaités et des enfants exclusivement nourris au lait industriel, cette prévalence étant la plus élevée chez les enfants partiellement allaités (26% contre 19%). Les résultats de cette étude amènent à se poser des questions sur toutes les études épidémiologiques précédentes. Il nexiste actuellement aucune explication satisfaisante à cet état de fait. Peser les risques et les avantages La principale question est : Est-ce quun bébé séropositif pour le VIH et allaité est nécessairement en moins bonne santé quun bébé séronégatif nourri au lait industriel ?
En conclusion
Lalternative à laquelle nous sommes confrontés est la suivante : Soit nous acceptons les dogmes actuels concernant le VIH, le SIDA et lallaitement, et nous assistons à la baisse de la prévalence de lallaitement dans les pays en voie de développement. Soit nous ignorons ces dogmes, nous pesons soigneusement les faits, et nous nous préparons à affronter les difficultés. Traduction de Françoise RailhetDavid Crowe : crowed@cadvision.com |