Maladie de restauration de l'immunité après thérapie antirétrovirale

Immune restoration disease after antiretroviral therapy. MA French, P Price, SF Stone. AIDS 2004 ; 18(12) : 1615-28.


Le traitement des personnes séropositives pour le VIH par les thérapies antirétrovirales permettent de corriger partiellement le déficit immunitaire induit par le VIH chez de nombreux patients, et d'abaisser le risque de pathologie infectieuse opportuniste. Toutefois, chez certains patients, cette restauration de l'immunité induit au contraire la survenue de diverses pathologies opportunistes typiques du SIDA. Les données sur le sujet sont limitées. On suppose toutefois que, lorsqu'elles surviennent dans les 3 mois qui suivent l'instauration de la thérapie antirétrovirale, qu'elles sont le reflet d'une réponse immunitaire vis-à-vis d'une infection par des germes opportunistes, qui était jusque là quiescente en raison de la baisse du niveau d'immunité. Lorsqu'elles surviennent plus tardivement, on peut supposer qu'elles résultent d'une réponse immunitaire dirigée contre des antigènes non viables des germes pathogènes.

Ces maladies, appelées « maladies de restauration de l'immunité », ne doivent toutefois pas être confondues avec les maladies similaires induites par le SIDA, elles constituent un effet indésirable d'une thérapie par ailleurs efficace. Leur traitement fera appel à des antimicrobiens et/ou à des anti-inflammatoires. Dans la mesure où de plus en plus de patients séropositifs vont être traités par antirétroviraux, on peut s'attendre à une augmentation parallèle de la prévalence de ces maladies de restauration de l'immunité. Les professionnels de santé doivent dont être formés pour apprendre à les différencier de ces mêmes maladies liées au SIDA, comme des manifestations de toxicité des traitements antirétroviraux.

La constatation d'une infection à Mycobacterium avium chez des patients traités par zidovudine a été la première indication du fait que la restauration de l'immunité pouvait induire des maladies infectieuses. Des infections à bacille de Calmette et Guérin ont aussi été rapportées. Les bases du traitement sont les anti-tuberculeux et les anti-inflammatoires.

Peu après l'introduction des antirétroviraux, on a commencé à observer, chez certains patients, des épisodes de méningites à cryptocoques pendant les premières semaines de la thérapie. Il n'existe aucun signe permettant de penser que ces méningites, chez les personnes traitées par antirétroviraux, sont associées à une augmentation de la réponse immunitaire aux antigènes du cryptocoque, mais certaines données cliniques permettent de supposer que la thérapie pourrait induire une réaction inflammatoire dirigée contre les antigènes du cryptocoque. Le traitement de cette infection n'est pas codifié, mais de nombreux cas guérissent spontanément. Il existe actuellement peu de données sur les flambées de pneumocystose qui suivent le démarrage d'une thérapie antirétrovirale.

La toxicité hépatique de ces thérapies est bien connue, et elle touche environ 18% des patients. Elle est particulièrement fréquente chez les personnes recevant de la néviramine ou du ritonavir, et chez celles qui ont par ailleurs une hépatite B ou C. Certains estiment que les hépatites devraient être traitées avant de débuter la thérapie contre le VIH. L'impact respectif du VIH et du traitement antirétroviral chez les personnes souffrant aussi d'hépatite B ou C reste très mal évalué et difficilement compréhensible. D'autres études sur le sujet sont absolument nécessaires.

Les infections à CMV sont parmi les plus fréquentes chez les personnes traitées par antirétroviraux, en particulier les rétinites, qui répondent habituellement bien à un traitement corticoïde local. 6 à 8% des patients présenteront une infection à virus VZ, soit environ 5 fois plus que ce à quoi on pourrait s'attendre. La plupart des cas surviennent dans les 4 mois qui suivent le début de la thérapie antirétrovirale.

D'autres pathologies semblent aussi rentrer dans la catégorie des maladies de restauration de l'immunité, comme les stomatites à Candida, le sarcome de Kaposi au niveau de la bouche (réactivation del'herpes virus-8), les lymphomes non hodgkiniens (activation possible du virus d'Epstein Barr). On a aussi rapporté la survenue ou l'exacerbation de pathologies autoimmunes induites par le démarrage d'un traitement antirétroviral (lupus, polymyosite, polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose.). On suppose que la suppression de la réplication du VIH par la thérapie induit des modifications des réponses immunitaires qui ont un tel impact. Les résultats d'une étude permettent de penser que la reconstitution de l'immunité induit un dysfonctionnement du thymus.

Enfin, la survenue de maladies nombreuses et disparates suite à l'instauration d'une thérapie antirétrovirale a été rapportée, sans que leur mécanisme puisse être actuellement expliqué.

L'augmentation du nombre de personnes traitées par antirétroviraux, en particulier dans les pays en voie de développement, va inévitablement induire une augmentation du nombre de personnes présentant des maladies de restauration immunitaire. Certaines d'entre elles sont relativement bénignes, ou peuvent être traitées facilement, mais d'autres sont sévères ou potentiellement mortelles, en particulier les réactions qui touchent le système nerveux central. Il est donc nécessaire de rechercher les stratégies qui permettront d'abaisser le risque de survenue de ces maladies de restauration de l'immunité. Toutefois, le risque de survenue d'une infection opportuniste suite au démarrage du traitement doit être mis en balance avec le risque de survenue d'une telle infection à cause de l'absence de traitement. Le développement de traitements efficaces de ces maladies de restauration de l'immunité nécessite une meilleure compréhension de leurs mécanismes pathogéniques. Les conséquences métaboliques et immunologiques de la restauration de l'immunité demandent toute notre attention, dans la mesure où elles peuvent être à l'origine d'une activation persistance de l'immunité chez les patients dont la charge virale est bien contrôlée par la thérapie antirétrovirale, ou de l'induction d'un diabète de type 2, qui est de plus en plus reconnu comme étant une complication à long terme des antirétroviraux.

Trad F.R.

NdT. Curieux d'affirmer que quand on est malade sans prendre d'antirétroviraux, c'est le SIDA, mais si on a les mêmes maladies en prenant les rétroviraux, c'est "la restauration de l'immunité"... Ca fera une belle jambe à ceux qui en meurent de savoir qu'ils sont morts d'aller mieux.


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