Gordon Conférence de 1997 sur la chimiothérapie
du sida.
Le VIH non-contagieux serait-il pathogène?!
David Rasnick, Ph. D.
Ce rapport sur la chimiothérapie du sida est paru dans
le revue "Reappraising AIDS", Vol. 5, N° 3, mars
1997. "Reappraising AIDS" est une revue mensuelle publiée
par The Group for the Scientific Reappraisal of the HIV / AIDS
Hypothesis.
Je viens de rentrer de ma première conférence
sur le sida, le Gordon Conférence sur la Chimiothérapie
du sida, qui a eu lieu du 9 au 14 mars 1997 à Ventura,
Californie. J'y suis allé pour présenter une étude
qui réfute un des concepts fondamentaux du modèle
prévalant VIH / sida. Cette étude venait de paraître
dans un journal scientifique, et j'avais hâte de la défendre
devant mes pairs.
Je savais aussi que David Ho et ses collègues seraient
là pour faire des présentations cherchant à
avancer le modèle VIH / sida, et j'étais déterminé
à procéder, face à face, à une analyse
scientifique de leurs idées.
Les Gordon Conférences sont parmi les réunions
scientifiques les plus prestigieuses du monde. La plupart des
conférences cherchent à maximiser le nombre de participants
payants, alors que les Gordon Conférences, au contraire,
sont limitées d'habitude à une centaine de participants
qui doivent tous postuler pour être admis - ce qui en fait
des réunions sérieuses et productives. Tous les
participants ont la possibilité d'assister à toutes
les présentations, et ont aussi l'opportunité de
rencontrer et de questionner chaque présentateur, soit
pendant des périodes formelles de Question / Réponse,
soit de façon informelle pendant les pauses-café.
Pendant mes vingt ans de carrière en tant que créateur
de drogues pharmaceutiques, j'ai participé à neuf
des Gordon Conférences, en y présentant des études.
En général, ces Conférences avaient pour
sujet ma propre spécialité - les protéases
et les drogues qui les inhibent.
Ho charme les contestataires
Des 100 participants, 90% étaient américains,
et 43% étaient des employés des compagnies pharmaceutiques.
J'ai aussi remarqué quelque chose de nouveau dans le cadre
d'une Gordon Conférence - un participant non-scientifique,
plus précisément un représentant de Project
Inform, un groupe politique qui oeuvre pour promouvoir l'hypothèse
VIH / sida.
La conférence, qui devait durer six jours, a commencé
un dimanche. Le discours exceptionnel d'ouverture a été
présenté par David Ho, directeur du Aaron Diamond
AIDS Center de l'université de New York. Ho a été
élu l'Homme de l'Année 1996 par Time Magazine.
Son discours s'intitulait "Chimiothérapie et pathogenèse".
Chose étrange, je n'étais pas le seul contestataire
dans l'audience.
Quelqu'un du premier rang a contesté les critères
dont se sert Ho pour établir son bilan des virus infectieux
- la question a des implications profondes pour cet outil de base
de la science contemporaine du VIH qu'est la "charge virale".
Il a aussi contesté les bases mathématiques de son
modèle "génocide viral" - le paradigme
sur lequel Ho cherche à baser toute thérapie "anti-VIH".
Cependant, les points spécifiques de ces objections
n'ont jamais pu être éclaircis, parce que Ho a su
éviter les questions avec tout l'aplomb d'un bureaucrate
aguerri - et en ce faisant, il a consommé toute la période
Question / Réponse.
J'ai aussi été surpris par le manque évident
de supporters de Ho parmi les participants. Pendant les pauses-café
qui ont suivi, j'ai pu rencontrer plusieurs autres personnes qui
ont clairement rejeté la validité du test "charge
virale" ainsi que le modèle avancé par Ho de
la dynamique VIH / T4.
Ho pourrait facilement devenir le prochain Anthony Fauci, qui
- en tant que Directeur de l'Institut des Allergies et Maladies
Infectieuses du National Institute of Health - est actuellement
le roi (gouvernemental) de la science VIH. Ho est beaucoup plus
charmeur que Fauci, et en plus, il est doté de plusieurs
couches de Téfal. Malheureusement, Ho a quitté la
conférence tôt le mardi matin, et je n'ai pas pu
parler avec lui. Mais j'ai tout de même réussi à
soulever le problème de la validité du test "charge
virale" avec un de ses collaborateurs.
Les cocktails n'aident pas les patients
Martin Markowitz - coauteur avec Ho de quelques-unes de ses
plus célèbres études, y compris l'article
dans la revue "Nature" présentant le modèle
"génocide viral", qui a lancé le test
"charge virale" - est resté jusqu'aux présentations
de mercredi, et j'ai pu l'interroger plusieurs fois.
La première occasion était pendant la période
Question / Réponse suivant son allocution sur le traitement
de l'infection VIH précoce. Markowitz et Ho traitent un
groupe de 20 patients depuis un an avec un "cocktail"
inhibiteur de protéase / AZT. L'étude est encore
en cours, aucun résultat n'a encore été publié,
et donc les données présentées par Markowitz
étaient encore préliminaires. Selon lui, la plupart
des sujets présentaient déjà des symptômes
du sida au début de cette thérapie expérimentale
- y compris cinq patients qui avaient déjà été
hospitalisé - mais certains n'avaient pas d'histoire symptomatique.
Dès le début de la thérapie, la "charge
virale" VIH de chaque patient est tombée en dessous
du seuil de détection, et y est restée. Selon Markowitz,
cela constitue une preuve de la validité de la thérapie.
Mais est-ce que l'élimination de cette "charge
virale" aboutit à l'amélioration de l'état
de santé des patients? Markowitz n'a rien dit à
ce sujet pendant son discours. Il semble évident que si
les patients avaient retrouvé la santé dès
la baisse de leur "charge virale", Markowitz en aurait
parlé avec fierté. Mais ce sujet n'a été
abordé que pendant la période Question / Réponse,
quand j'en ai parlé moi-même.
J'ai posé la question: "Alors, comment ça
se présente?"
"Certains des patients arrivent à travailler,"
a-t-il répondu sereinement. Cette réponse donnait
l'impression que sans les cocktails, les malades n'auraient pas
eu la force de travailler - mais j'avais le sentiment que ce n'était
pas le cas.
Son sourire a disparu quand je lui ai demandé - "Pendant
les onze mois de thérapie, pendant que leur 'charge virale'
était indéfectible, est-ce que vos patients se portaient
mieux, pareil, ou pire?" Il n'a pas répondu, pas un
mot. Le moment de silence était gênant pour l'auditoire.
J'ai rompu ce silence inconfortable en répétant
ma question. "Vos patients devraient aller mieux, n'est-ce
pas?" Encore une fois, Markowitz est resté sans mot
dire. Soit il n'était pas au courant de l'état de
ses malades pendant le cours de la thérapie (ce qui est
peu probable), soit ils n'allaient pas très bien - malgré
une "charge virale" de zéro. Cette fois-çi,
le silence révélateur a été rompu
par l'annonce d'une pause-café.
Je suis parti sachant que je tenais la réponse à
au moins une de mes questions - les effets miracles de la thérapie
des "cocktails" tant vantés par la Presse - célébré
comme "l'effet Lazare" - n'étaient pas soutenus
par les résultats des études scientifiques.
Aucun virus viable résistant aux drogues
Les après-midi de lundi et mardi étaient consacrés
à des séances de présentation. Puisque mon
étude concernant le kinétique de la protéase
du VIH aura tendance à affaiblir un aspect crucial du dogme
courant, je n'étais pas sûr de la réception
qui lui sera réservé.
L'étude s'intitule " L'analyse kinétique
des clivages protéolytiques consécutives opérées
par le VIH dans le polyproteine gag-pol". Elle s'adresse
à la supposition répandue qu'un échec de
la thérapie antivirale serait dû à une mutation
du VIH vers des formes plus résistantes (Rasnick, le 7
mars, Journal of Biological Chemistry). Plus précisément,
elle s'adresse à la supposition qu'un échec de la
thérapie d'inhibition de protéase serait dû
à l'émergence des souches de VIH caractérisées
par des protéases qui résistent aux inhibiteurs.
Cette croyance est centrale au modèle VIH. Les inhibiteurs
de protéase, particulièrement quand ils sont combinés
avec de l'AZT dans un "cocktail", provoquent souvent
la disparition de la "charge virale" VIH. Quand les
taux de "charge virale" recommencent à monter,
ou quand les symptômes du sida commencent à se manifester,
on estime que de nouvelles souches du VIH se sont développées,
et qu'elles présentent des protéases mutantes qui
résistent aux inhibiteurs.
Mes calculs démontrent que ces hypothétiques
protéases mutantes ne pourraient pas faire partie d'un
VIH pleinement opérationnel. Afin de produire un VIH opérationnel,
la protéase doit sectionner un super-protéine VIH
à huit endroits différents. Les inhibiteurs sont
conçus pour bloquer le site de sectionnement de la protéase,
l'empêchant ainsi de couper la super-protéine du
VIH en neuf parties opérationnelles.
Une protéase qui refuserait l'admission à son
site actif à un inhibiteur - une protéase, donc,
qui serait résistante aux drogues de ce type - serait également
impuissante à admettre la super protéine du VIH
à son site actif. Que la protéase sera obligée
d'accomplir huit coupures réussies dans de telles conditions
indique clairement qu'il lui serait impossible de produire un
virus fonctionnel.
J'avais noté qu'il n'y a pas un seul exemple dans la
littérature d'un être humain contaminé par
un VIH viable et infectieux présentant une forme mutante
et résistante de la protéase. Tous les mutants décrits
jusqu'ici ont été obtenus à partir de l'ADN
pro-virale des virus non-infectieux. Il n'y a donc pas de raison
de croire qu'une "résistance aux drogues" pourrait
expliquer les cas où les inhibiteurs de protéase
ont failli à résoudre le sida ou à éliminer
la "charge virale" du VIH.
Le deuxième point majeur de mon analyse kinétique
était ceci - puisque les particules mesurées par
le test "charge virale" sont, au mieux, pour 99.8% non-infectieuses,
ce test devrait être remplacé un autre qui mesurerait
le taux de particules VIH infectieuses. J'étais certain
que cette proposition rencontrerait une désapprobation
massive, mais à ma surprise, tel n'était pas le
cas.
Personne n'a contesté ma thèse. Plusieurs personnes,
y compris Jack Erickson - un expert de la protéase, membre
du National Cancer Institute - ont ouvertement approuvé
mon analyse et mes conclusions.
La poursuite de Markowitz
En quittant ma présentation, Erickson est allé
directement rejoindre Markowitz, qui se trouvait à l'autre
bout de la pièce. Je savais que Erickson voulait parler
avec lui au sujet de ma présentation, et je suis allé
les retrouver.
Ils parlaient bien au sujet de ma présentation. Markowitz
m'a accueilli avec un sourire. Il ne m'a peut-être pas reconnu
de l'autre jour. J'ai commencé par lui poser des questions
sur le recensement des particules infectieuses qui soutends l'article
qu'il a co-écrit avec David Ho (Science 271, mars 1996,
p. 1582). Cet article concerne l'administration de la thérapie
de "cocktail" à cinq patients. Avant le début
du traitement, les patients avaient des "charges virales"
VIH qui se chiffraient entre 12,000 et 643,000 (par ml de plasma).
Une fois la thérapie commencée, les charges virales
de chacun des patients sont descendues à zéro, et
y sont restées pendant toute la durée de l'étude.
Je voulais en savoir plus sur le patient 105, celui qui présentait
la charge virale la plus élevée, 643,000. C'était
le seul patient pour lequel on a mesuré les "doses
infectieuses dans la culture de tissu. Avant la thérapie
- alors que sa "charge virale" était de 643,000
- il présentait 1,000 doses infectieuses du VIH (par ml
de plasma). Deux jours après le début de la thérapie,
les doses infectieuses se sont réduites à zéro,
alors que la "charge virale" se mesurait encore à
500,000.
Je voulais comprendre le rapport entre le chiffre "charge
virale" et le chiffre de la dose infectieuse. J'ai commencé
en posant la question: "Est-ce qu'une 'dose infectieuse'
correspond à un VIH infectieux?"
"Oui," m'a répondu Markowitz. "Une dose
infectieuse correspond à un VIH infectieux."
"Comment décide-t-on qu'un VIH ('une dose') est
infectieux? En cherchant la protéine p24?"
"Oui," m'a répondu Markowitz. "La détection
du p24 est acceptée comme évidence d'un virus pleinement
opérationnel."
"Mais le p24 ne suffit pas," j'ai dit.
A partir de là, je pensais que notre discours scientifique
allait se poursuivre de façon prévisible. Il me
demanderait pourquoi le p24 'ne suffit pas', et je lui expliquerais,
comme je l'ai fait dans mon étude, qu'il a été
démontré par plusieurs chercheurs, y compris John
Erickson, que le p24 n'est pas un indicateur fiable de la présence
d'un virus infectieux. J'avais des références et
j'étais prêt à défendre ma position.
Mais Markowitz n'a pas soulevé.
Comme pendant sa présentation, quand je lui ai posé
des questions sur la santé de ses patients, Markowitz n'a
rien répondu.
Je me suis concentré alors sur l'écart qui existe
entre les chiffres "charge virale" et "dose infectieuse".
Si les doses infectieuses correspondent aux particules infectieuses
du VIH, alors la différence entre les doses infectieuses
et la "charge virale" du patient 105 doit correspondre
à des particules VIH non-infectieuses.
J'ai montré à Markowitz les courbes publiées
par lui, Ho et al. pour le patient 105. Dans un cas, une charge
virale de 643,000 correspond à 1,000 particules infectieuses,
et dans l'autre, une charge virale de plus de 500,000 correspond
à zéro particules VIH infectieuses. Markowitz a
été d'accord avec mon interprétation des
données.
Alors je lui ai demandé: "Quelle est la signification
des centaines des milliers de particules virales non-infectieuses
per ml que vous avez trouvé dans le plasma du patient 105?"
Les sourcils froncés, le regard confus, il semblait ne
pas savoir comment poursuivre. Le silence a duré près
de 30 secondes. Ensuite, sans rien ajouter, il est parti.
C'est la première fois qu'un scientifique me fuit. Ordinairement,
les scientifiques sont des pit-bulls, ils se bagarrent pour défendre
leur position, mais pas les types VIH. Eux, ils courent.
Je me suis aperçu que Erickson n'était plus avec
nous. Il a dû partir pendant mon échange avec Markowitz,
et je ne l'ai plus revu.
Si Erickson n'était pas aussi dévoué au
VIH, nous aurions pu être des amis et des collègues.
Il est par ailleurs un scientifique avisé qui s'y connaît
bien en enzymes et toutes leurs particularités. Malheureusement,
dès qu'il s'agit de la pathogenèse du VIH, il plie
devant les virologistes et physiciens, et attend à ce qu'ils
lui montrent son chemin.
En ce qui concerne Markowitz, j'étais résolu
à obtenir une réponse à ma question. J'ai
réussi à le coincer deux fois encore, et les deux
fois, j'ai été obligé de l'empêcher
de partir. A chaque occasion, j'ai répétée
ma question concernant la significance de la masse de VIH non-infectieux
- et les deux fois, il est parti sans y répondre. Au beau
milieu de sa deuxième retraite, il s'est retourné
pour lancer cette phrase dénuée de sens, dénuée
même de mérite scientifique ou logique: "Faites-moi
confiance!"
J'ai rétorqué: "La confiance n'a rien à
y voir!" L'échange était proprement absurde,
et j'aurais ri si ce n'était si ridicule.
L'espoir déçu
Si je devais trouver des réponses à mes dernières
questions, j'aurais besoin d'une cible immobile.
J'en ai trouvée une pendant l'une des plus inquiétante
présentation de la semaine - le discours spécial
de mercredi soir par John Mellors de The Graduate School of Public
Health du Medical Center de l'université de Pittsburgh.
Son titre: "La Chimiothérapie de l'infection VIH -
Passé, Présent et Avenir."
Mellors a décrit avec justesse l'histoire morbide de
la chimiothérapie du VIH avant l'ère actuelle des
cocktails AZT / inhibiteurs de protéase. En l'écoutant,
je hochais souvent la tête en signe d'accord tandis qu'il
dressait la liste d'erreurs graves commises par la thérapie
traditionnelle, qui employait un seul nucléotide analogue
comme le AZT. Peut-être ce Mellors était un penseur
indépendant et sensé, comme ceux que j'ai l'habitude
de rencontrer aux Gordon Conférences qui traitent d'autres
sujets que le sida.
Mes espoirs ont été bafoués quand il a
souligné ce qui pour lui était l'erreur la plus
grave de la dernière décennie - le traitement des
malades du sida avec des drogues uniques, plutôt qu'avec
de multiples drogues "antivirales".
J'ai compris alors qu'il n'y avait rien de courageux dans le
geste de Mellors contre les anciennes thérapies. Aujourd'hui,
il est à la mode de reconnaître l'échec des
protocoles mono-nucléotides - à condition de promouvoir
la thérapie "cocktail" à sa place. Voilà
ce que faisait Mellors. Mais l'échec de la mono-thérapie
avait été évident bien avant l'arrivée
des inhibiteurs de protéase.
Le match de basket après le premier quart
Mellors est devenu franchement inquiétant lorsqu'il
nous a présenté une diapo annonçant la "charge
virale" et la comptabilité T4 - à la place
des symptômes cliniques.
Ce qu'il a justifié en expliquant que la conclusion
de l'étude ACTG320 en février dernier avait définitivement
enterré l'avenir des contrôles à terminus
clinique.
ACTG320 était une étude clinique de phase III
concernant près de 1200 personnes - à peu près
la moitié prenant deux drogues du type AZT, et les autres
prenant un cocktail fait de ces deux mêmes drogues plus
un inhibiteur de protéase. L'étude a été
arrêtée avant la fin, pour des raisons encore incertaines.
Une fois les archives ouvertes, les données ont indiqué
que 8 patients sont morts dans le groupe "cocktail",
contre 18 morts dans le groupe ne prenant pas l'inhibiteur de
protéase. Se basant sur ces chiffres, Mellors et le reste
de l'établissement médical sont en train de proclamer
que la thérapie "cocktail" réduit la mortalité
par 50% comparé à des traitements sans inhibiteur
de protéase.
Mellors considère que les résultats de l'étude
ACTG320 sont concluants pour deux raisons - premièrement,
parce que le traitement "cocktail" réduit la
mortalité par 50%, et deuxièmement, parce que ce
bienfait est prédit par la "charge virale". Il
est de l'avis que les études des traitements à venir
devraient porter uniquement sur les fluctuations de la "charge
virale". Il n'est pas moralement défendable d'attendre
la mort des patients - ou un autre terminus clinique - ni même
nécessaire, puisque la "charge virale" prédira
qui succombera ou pas au sida.
Mais le responsable de ce test, Scott Hammer du Beth Israel
Deaconess Medical Center à Boston, avoue que ACTG320 n'a
pas duré suffisamment longtemps pour que les différences
entre les deux groupes de traitement arrivent à un niveau
de signification statistique (le journal "Boston Globe",
le 2 février 97). Cela fait maintenant deux décennies
que je gagne ma vie en tant que scientifique, et c'est la première
fois que je vois d'autres scientifiques tirer des conclusions
si graves à partir des données sans signification
statistique.
Le concept de significance statistique est fondamental à
la méthodologie scientifique. Les résultats des
expériences n'obtiennent leur une pertinence qu'après
s'être qualifiés pour la signification statistique.
Imaginez que l'on déclare gagnante une équipe de
basket après seulement le premier quartier du jeu, ou le
champion du World Series après un seul match.
Mellors n'a pas parlé de la signification statistique,
et je n'ai pas pu lui poser la question pendant la période
de discussion. Je ne sais donc pas de quelle façon il pourrait
expliquer cela, mais je considère que l'objection est fatale.
Mellors accepte ACTG320 comme définitive, suffisante
en tout cas pour justifier l'utilisation des critères de
substitution comme preuves de l'efficacité des thérapies
et des drogues. Et il n'est pas le seul. J'ai bien peur que le
courant actuel de la recherche des drogues pour le sida va dans
le sens de Mellors. J'ai entendu d'autres réclamer la fin
des résultats insignifiants du ACTG320.
Je trouve cela particulièrement inquiétant à
la lumière de mes échanges avec Markowitz - qui
ne savait ni démontrer une amélioration quelconque
dans ses patients dont la "charge virale" avait été
réduite à zéro pendant de longues périodes,
ni attacher une significance clinique au test "charge virale".
Si les Markowitz et les Mellors du monde arrivent à
s'imposer, le public américain est en grave danger.
Des cadavres tueuses
Pendant la période Question / Réponse après
le discours de Mellors, je suis revenu sur les questions que j'avais
posées - en vain - à Markowitz, concernant la significance
de la "charge virale". Après tout, c'était
là le point crucial - Mellors voulait en finir avec les
"terminus cliniques", mais sa suggestion ne pourrait
valoir que la justesse des chiffres de la "charge virale"
avec lesquels il désirait les remplacer.
Pour commencer, je voulais comparer ses réponses à
celles de Markowitz. Alors j'ai répété ma
question sur la relation entre la "charge virale" et
les "doses infectieuses". Mellors a répondu:
"La charge virale n'a rien à voir avec l'infectivité!"
Aah! Voilà qu'un deuxième ponte du VIH admet
que les chiffres "charge virale" n'indiquent pas le
nombre de VIH infectieux.
Admettons, donc, que la "charge virale" chiffre correctement
le nombre de VIH, et que les "doses infectieuses" chiffrent
de façon efficace les VIH infectieux. Sur ces bases, j'ai
avancé le chiffre de 99.8% - noté dans le rapport
Ho / Markowitz - comme étant le pourcentage du VIH non-infectieux
circulant dans le corps.
Le VIH non-infectieux est donc la source de l'ARN et les protéines
- y compris la protéase - à partir de laquelle on
projette la génétique et les autres caractéristiques
du VIH.
Mellors approuvait. (Comment aurait-il pu refuser?)
Là, il était coincé. Puisque les virus
non-infectieux n'ont aucune signification clinique, il y va de
même pour les données dont ils sont la source.
"Alors, quelle est la signification de tout ce VIH non-infectieux?"
ai-je demandé. Je n'avais aucune idée comment il
pourrait se débrouiller pour y répondre, mais j'étais
franchement abasourdi par sa réponse:
"Les particules non-infectieuses (du VIH) sont pathogènes."
C'était une première. Je crois bien que personne
n'a jamais encore déclaré publiquement qu'un virus
non-infectieux pourrait causer une maladie.
Je suis resté là, ébahi, ballotté
du murmure qui venait de se lever. Malgré mon étonnement,
je réalisais qu'il n'y avait plus rien à rajouter.
La fin de la session a été déclarée,
la période discussion ayant été occupée
par mes questions. Personne d'autre n'a eu le temps d'en poser.
Mon Dieu, je me suis dit. Quelle incroyable source d'opportunités
pour la recherche - le pouvoir pathogène des virus non-infectieux.
Quiconque ayant une idée du principe des anticorps et des
vaccins pourrait aisément jauger la nature révolutionnaire
(et parfaitement invraisemblable) de cette idée.
A juger par le brouhaha ambiant, qui continuait même
après la fin de la session, l'audience a apprécié.
En quittant la salle, un scientifique indien m'a attrapé
le bras. "Vous avez entendu ça?" m'a-t-il demandé.
Je l'avais effectivement entendu. La cause du sida serait une
armée meurtrière de cadavres viraux.
Le soin des bien-portants
Pendant la conférence, même en cherchant partout,
je n'ai pu trouver aucune discussion d'une expérience contrôlée.
Il semblerait que la seule chose qui existe dans le monde du sida
est le VIH. Le VIH est la cause de tout ce qui pourrait arriver
de néfaste à une personne séropositive -
toute amélioration serait due à la thérapie.
Il y avait même un présentateur qui s'est vanté
d'avoir guéri des gens qui s'étaient piqué
par accident avec des aiguilles contaminées par du sang
VIH-positif. Ces personnes ont été immédiatement
traitées de façon "agressive" par des
drogues antivirales, et ne sont pas devenues séropositives.
Le scientifique considère que ce traitement était
la raison pour la non-conversion une fois sur mille, mais ça,
il ne l'a pas dit. Personne d'autre ne l'a mentionné non
plus, bien que ce fait soit bien connu, et toutes les personnes
présentes étaient des "experts du sida".
Non seulement il s'octroyait le mérite dû aux
probabilités statistiques, mais en plus, il prétendait
avoir guéri des gens en bonne santé - et personne
n'a rien dit. Les supporters du VIH ont tellement besoin de bonnes
nouvelles qu'ils diront et accepteront tout ce qui pourrait soutenir
leur modèle.
Le rejet
Depuis le départ, il était clair que certains
participants avaient déjà entendu parler de moi.
Ils m'évitaient.
D'autres, cependant, se sont intéressés quand
j'ai posé mes objections. D'évidence, ces problèmes
ne leur étaient pas inconnus, seulement, ils ne les avaient
jamais examinés - et ne fréquentaient pas des gens
qui les examinaient. Mais une fois que ces alliés potentiels
avaient discuté avec des gens comme Markowitz - des scientifiques
possédant un statut et de l'influence - ils se sont mis
à m'éviter, eux aussi.
C'était une tâche solitaire que d'agir comme un
scientifique à une conférence sur le sida.
Post Scriptum. Enfreindre les règles
Je connais bien les règles des Gordon Conférences,
et j'y adhère depuis que j'y participe depuis l'an 1980
- pas de Presse, pas de caméras, pas d'appareils d'enregistrement.
Rien qui soit révélé à un Gordon Conférence
ne peut être publié sauf par les auteurs principaux.
On peut prendre toutes les notes que l'on veut, et discuter avec
les collègues tant que l'on veut. Seulement, on n'a pas
le droit de rendre cette information publique.
J'admets ouvertement que le présent rapport enfreint
ces règles. Je ne le fais pas à la légère.
Les Gordon Conférences sont les réunions que je
préfère. Cependant, le scandale du VIH / sida m'oblige
à prendre ce pas. L'information concernant les failles
dans le dogme prévalent VIH est presque totalement caché
au grand public. La parodie des résultats des épreuves
cliniques des inhibiteurs de protéase VIH en est un exemple,
et se sentait nettement à cette conférence, comme
à celle à laquelle j'avais participé en 1994
(Reappraising Aids, 1996). Cette information est trop importante
pour être cachée aux contribuables et aux consommateurs
qui le financent.
Les règles des Gordon Conférences ont peut-être
l'air sinistre, mais ne le sont pas. Elles permettent aux scientifiques
de présenter des résultats préliminaires
sans être devancés par des collègues ni être
jugés responsables pour d'éventuelles erreurs. D'habitude,
ces règles stimulent des discussions scientifiques honnêtes
et l'échange des idées. Mais l'industrie du sida
les a adoptées afin de cacher des vérités
qui ne devraient pas être secrètes.
J'espère avoir fait ce qui convient. Je serais peut-être
refusé à d'autres conférences.
D. Rasnick. Traduction Pete Kimberley, Paris 1997.
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